L’histoire des religions peut se résumer en quatre épisodes : celui des religions premières (animistes, chamaniques, totémistes) suivi du temps des religions antiques (le polythéisme de l’ancienne Égypte, des Grecs ou des Romains) puis de l’avènement des trois religions monothéistes (juive, chrétienne, islam). Le dernier épisode est celui des religions nouvelles. La création de nouveaux cultes se poursuit encore de nos jours prenant le visage de nouveaux mouvements qui, de la scientologie ou du néo-chamanisme, pullulent à l’ère contemporaine.
Reprenons.
- La religion des origines. Nul ne sait quand les humains ont commencé à croire à l’existence d’entités invisibles, à leur vouer un culte, les craindre ou appeler à leur secours. Les peuples premiers offrent tout de même un premier aperçu sur les plus anciennes religions. Il est d’usage de distinguer l’animisme, du totémiste et du chamanisme, mais ces religions se ressemblent beaucoup. Elles sont bâties sur un socle commun fait de divinités multiples, associées à des forces naturelles (le soleil, la lune, les astres, la mer, les montagnes, les esprits invisibles qui rôdent partout dans la forêt ou au fond des lacs). Chez les Indiens ou les Aborigènes, un animal sacré peut devenir l’esprit totem d’un clan. Les esprits se manifestent parfois en rêves ; les chamanes les entraperçoivent durant leur transe. Les âmes des ancêtres font partie aussi de cet arrière-monde invisible mais toujours présent.
- Les religions antiques. Quand les grandes civilisations ont vu le jour, en Mésopotamie, en Égypte, en Grèce, à Rome, en Chine, en Inde, les dieux ont eu tendance à s’humaniser et à se hiérarchiser. À s’humaniser : chez les Égyptiens, les divinités sont mi-animales, mi- humaines comme l’est Isis (la déesse oiseau) ou Anubis (le dieu à tête de renard). Les divinités se multiplient : certaines protègent une cité ou une profession (les forgerons ou les vignerons ont chacun ont leur dieu tutélaire). Un dieu peut favoriser le commerce, une déesse peut favoriser les récoltes. Il existe des dieux de l’amour et des dieux de la guerre. Dans les religions polythéistes, les divinités forment une grande famille où on se dispute et on s’entretue parfois. Au sommet de la hiérarchie divine trône un Dieu suprême ou un couple divin. L’hindouisme, avec Ganesha, le dieu à tête d’éléphant, ou Shiva, sa déesse aux bras multiples montrent la permanence de ces religions antiques dans le monde contemporain.
- Les trois monothéismes. La religion du dieu unique fut d’abord celle du peuple d’Israël. Elle s’est sans doute formée un millénaire avant J.-C. à l’époque des royaumes de Judas, si l’on en croit les recherches actuelles. Le christianisme fut d’abord une secte dissidente du judaïsme avant de devenir un courant religieux autonome, puis une religion d’État sous l’empire romain. À son tour, elle va diviser en rameaux : catholique, orthodoxe et protestant. La branche protestante s’est ensuite scindée en de multiples rameaux : luthériens, calvinistes, baptistes, évangéliques… L’islam est né de la mutation d’un courant judéo-chrétien auquel s’était converti Mahomet, comme d’autres bédouins arabes à l’époque. Il connaîtra, comme le christianisme, ses ruptures dont le sunnisme et le chiisme sont les principales branches.
Aujourd’hui, les chrétiens et les musulmans représentent la grande majorité des croyants dans le monde : 2 milliards sont de confession chrétienne ; 1, 5 milliard de confession musulmane.
- Les religions nouvelles. De nouvelles religions n’ont cessé d’apparaître au fil des siècles. Il s’en crée encore aujourd’hui. Certaines sont nées de la séparation d’avec une religion instituée (c’est le cas de l’Église des mormons ou « Église des saints des derniers jours »). D’autres sont le fruit d’hybridations (comme le candomblé brésilien ou la Santa Muerte du Mexique, toutes deux nées de la fusion entre catholicisme et animisme). Certains sont nées d’une réappropriation modernisée d’anciennes traditions (le néo-chamanisme, le néo-druidisme). D’autres se veulent œcuméniques (la secte du Mandarum). Les « nouveaux mouvements religieux » forment une galaxie composite. Ils ne sont pas tous des groupuscules sectaires, dirigés par un gourou. Certains regroupent des millions d’adeptes comme la sokha dakkai ou le falun gong. N’oublions pas que les « grandes religions » d’aujourd’hui ont d’abord été des créations prophétiques venues de groupes marginaux.
À lire :
- Religions premières : À la recherche de la religion première
- Qu’est-ce que le chamanisme ?
- Qu’est-ce que l’animisme ?
- Qu’est-ce que le totémisme ?
- « Comment peut-on être hindou ? »
- Le christianisme en trois temps.
- « Comment le christianisme a conquis l’empire romain »
- « Mahomet était-il musulman ? »
L’humanologue nous délivre un brillant résumé synthétique sur les religions qui ouvre la discussion sur un questionnement plus vaste que Daniel a développé dans son commentaire. Daniel Bacquié a notamment utilisé un terme qui me semble important à retenir comme point focal de tout ce qui concerne les religions : Idéologie. Encore faut-il s’entendre sur sa définition. Bien que certaines idéologies soient totalitaires, une idéologie n’est pas seulement « l’idolâtrie d’une idée » conduisant au totalitarisme (Arendt). Les idéologies sont plutôt des productions de l’imagination humaine qui donnent un sens à notre existence, à notre finitude et au monde. Dans cette acception les idéologies ne sont pas des religions, mais les religions sont une catégorie d’idéologies. Dans un article du dernier numéro de Sciences Humaine, J.F Dortier pose la question de l’intelligence des animaux et conclut très justement à « la profondeur du fossé entre notre espèce et les autres ». L’humanologue est aussi un humaniste. Des animaux font aussi preuve d’imaginations, ils rêvent comme nous ; mais il est très improbable qu’ils construisent des idéologies. L’idéologie est aussi ce qui nous distingue des animaux.
Faute d’écrits, nous ignorons tout des premières idéologies de l’humanité, ou presque tout car il y a des traces archéologiques, des statues, des peintures rupestres, des ornements, des ossements humains qui indiquent l’existence non seulement de techniques, mais aussi de rites sacrificiels, de cannibalisme rituel… Peut-on parler de religions ? Il faudrait peut-être considérer que cette première période de l’histoire de la pensée humaine est celle de la magie ; que la magie est le tronc commun de toutes les connaissances humaines et qu’elle persiste encore aujourd’hui dans nos sociétés à des degrés divers.
C’est sur ce tronc commun que se sont différenciées les autres types de connaissances. En premier lieu les religions qui ont conservé un important héritage magique, mais qui sont des structures sociales tripolaires stables constituées autour de mythes, de rites et d’un clergé. Comme le signale l’humanologue, les religions continuent à produire de nouvelles chapelles par bourgeonnement, mais de nouvelles idéologies laïques se créent également. La dernière en date est l’écologisme. L’écologisme, produit chimérique d’une discipline scientifique et une d’utopie naturaliste, est sujette comme toutes les idéologies jeunes à des maladies infantiles.
Votre schéma suit l’histoire occidentale, qui est la seule à conduire depuis deux mille ans un monothéisme d’origine moyen-orientale.
Deuxièmement, elle s’inscrit dans un schéma temporel fondé sur un enchainement de chapitres.
Il faut donc tout refondre selon une méthode comparée (entre civilisations) qui combine les diverses visions du temps et de l’espace (deux notions non symétriques, un faux binôme).
Il est des religions, avec leurs temples et leur clergé, inspiré par des réflexions sur la vie (Védanta qui a inspiré le bouddhisme) – c’est d’ailleurs le propre des religions de partir de réflexions sur la vie ou de se « bouturer » l’une de l’autre…
Dans les religions actuelles, j’ajouterais les « grand-messes » du sport, de la « variété », de la politique… avec leurs rituels, où les foules « communient » avec leur chef. Illich avait titré un de ses articles : « en finir avec la religion de l’école » et un autre « l’école : cette vache sacrée ».
Bonjour,
Votre synthèse est effectivement excellente et, comme toute synthèse des raccourcis y sont indispensables, n’y figure cependant pas le Bouddhisme, ce qui me paraît sinon gênant pour la démonstration d’ensemble, au moins générateur d’un certain questionnement que voici :
Concevez-vous le Bouddhisme comme mouvement philosophique devenu religion au profil plus singulier ?
N’est-il pas assimilable à la même dynamique que les monothéismes ? À savoir, une évolution de l’Hindouisme vers une approche plus synthétique à vocation plus universelle et, de ce fait, prosélyte. Puis une religion qui se structure avec un personnage central assimilable à un prophète divinisé, des divinités issues de l’hindouisme, assimilables à des saints, pas de dieu unique revendiqué, il est vrai, ceci expliquant peut-être que vous ne l’ayez pas inclu dans votre synthèse, des textes sacrés, un clergé organisé puis une puissance séculière qui va amener aussi à de nombreuses divisions théologiques et politiques ainsi qu’à la scission du mouvement initial en différents ordres religieux.
Enfin n’est-il pas important d’évoquer ce mouvement philosophique et spirituel devenu, de fait, une des grandes religions du monde ? Son importance historique dans toute l’Asie orientale et du Sud-Est mais aussi sa très actuelle globalisation sous diverses formes, ne sont-elles pas des éléments essentiels à évoquer
pour la compréhension de l’évolution religieuse du monde contemporain ?
Mais il est vrai que votre synthèse s’intitule « La plus courte histoire de Dieu » et que ce n’est pas là le but de votre approche. Peut-être, du reste, consacrerez-vous un article spécifique au Bouddhisme pour lequel on peut se poser la question d’un « manque de Dieu » ? Question certes réductrice et qu’il ne faut surtout pas interpréter de ma part comme un quelconque jugement de valeur mais comme l’ouverture vers un questionnement très concret sur comment un mouvement issu de l’Hindouisme est devenu une grande religion d’Asie puis du monde qui, basée sur ce que l’on pourrait qualifier « d’absence de Dieu » a su répondre et s’adapter à « l’appétit de Dieu(x) » des humains… Dans le prolongement de cette réflexion, pourrait aussi s’inscrire un important questionnement sur le « refus de Dieu » des grandes idéologies du XXe siècle qui ont néanmoins dû développer de nouvelles formes de croyances, voire de crédulité, en structurant de nouveaux rites et de nouveaux clergés d’Etat à l’athéisme officiellement revendiqué…
Mais c’est un autre chapitre de notre histoire dont vous parlerez sûrement ultérieurement.
Je pense toutefois, avec toutes les réserves que l’on peut émettre à mes hypothèses de réflexion qui n’ont aucune valeur d’autorité (Quel vilain mot d’ailleurs !), que ces diverses questions sont essentielles pour comprendre les permanences et les ruptures de notre propre histoire dans laquelle il est si difficile et si terrible de faire « du passé table rase » et au-delà de comprendre l’essence du comportement humain et de l’organisation de ses sociétés. Mais peut-être suis-je encore trop sous l’influence de ma relecture récente de « L’homme révolté » de Camus ou de celle assez récurrentes de Krishnamurti.
Je vous remercie en tout cas pour cette belle synthèse et pour le dynamisme fécond des questionnements qu’apporte votre revue.
Bien cordialement, à vous lire,
D.B.
BRAVO POUR CE TRAVAIL
la revue n’existte plus?
Excellente synthèse !