« Tout ce qui ne se régénère pas dégénère », (Edgar Morin)
Mon adorable belle-mère va bientôt avoir 90 ans.
Physiquement, elle se porte plutôt bien. Elle est autonome, marche tous les jours, se fait à manger, voit ses amis, s’occupe de son chien et de ses chats, s’intéresse à la politique et au foot, et est en lien régulier avec son frère, ses enfants, petits et arrière-petits-enfants. Elle est adorée de tous. Mais aurait-elle été la même sans une série d’interventions qui lui ont permis de garder bon pied, bon œil et même bon moral. Sans une prothèse des genoux, elle ne pourrait plus vraiment marcher et monter les escaliers. Sans une opération des yeux et un traitement contre la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), elle ne pourrait plus lire. Sans antidépresseurs, elle sombrerait tous les hivers dans la mélancolie.
Chez les amies de son âge, on ne compte plus les prothèses de hanches, pacemakers, appareils auditifs et autres traitements de troubles liés à l’âge. Ils ne font pas des personnes âgées des posthumains ou cyborgs. Mais les personnes âgées sont de claires préfigurations de ce qu’est un « humain augmenté ».
Le projet posthumaniste de « l’humain augmenté » est une utopie : celle de l’immortalité, la jeunesse éternelle ou la santé parfaite grâce à l’éradication complète des maladies. Mais une fois écartés ces fantasmes illusoires, il n’en reste pas moins que l’humain augmenté est aussi une réalité.
Ceci grâce aux progrès dans les soins médicaux (la mère de Lucette souffrait de DMLA mais à son époque, il n’existait pas de traitement, ce qui a privé cette grande lectrice d’un de ses loisirs favoris). Les prothèses de hanche et de genou aident nombre de personnes qui sans cela auraient été immobilisées. Il y a eu aussi de grands progrès dans la prise en charge, il faut le dire, tous ces soins sont entièrement gratuits.
Certes, les prothèses auditives ou dentaires, les médicaments antidouleur, les vaccins, antidépresseurs et autres greffes d’organes augmentent moins les capacités humaines qu’ils les restaurent et les régénèrent.
On ne va pas se mentir : avec l’âge, les capacités physiques et mentales connaissent un déclin inéluctable. Mais le triste constat « la vieillesse est un naufrage » (Charles De Gaulle) n’est plus tout à fait vrai. Sans céder au mythe illusoire de la jeunesse éternelle, il est aujourd’hui possible de prolonger la vie active dans de bien meilleures conditions que celles de nos aînés. Au nom de quelle philosophie du renoncement faudrait-il se priver de ce supplément de vitalité qui nous est aujourd’hui permis ?
• Sur le même sujet :
« Douleur, vers la fin de la souffrance ? », L’Humanologue, n° 4, septembre 2021.
« Éradiquer les maladies », Jean-François Dortier, Sciences Humaines, n° 288, janvier 2017.
« Peut-on résister au déclin cognitif ? », Achille Weinberg, Sciences Humaines, n° 241, octobre 2012..
« L’âge d’or des tempes grises », Achille Weinberg, Sciences Humaines, n° 193, mai 2008.
Je suis du même bois… 91 = nonante et un dit-on par ici… Moi c’est en cardiologie que je dois ma survie. Survie qui assure l’entretien de 2500 m2 de potager et autres arbres et arbustes.
Aussi, la fréquentation de 2000 volumes des sciences humaines, de littérature et sur le net
Le Monde, Mediapart, Libé…La Croix… ( Pas de TV)
bravo !