Ian, ange-gardien écossais

Toutes les personnes que je rencontre m’intéressent. Ne fût-ce que par curiosité : on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Mais aussi — et surtout — parce qu’au fil des années et des rencontres, j’ai découvert un formidable secret : tout le monde a quelque chose à raconter. Une anecdote incroyable, une passion secrète, un rêve d’enfant, un déboire amoureux… chaque personne cache au moins une histoire passionnante, ou au moins surprenante. Il suffit d’ouvrir la porte. Parfois, il suffit même de l’entrouvrir.

Alors permettez-moi de partager avec vous certaines de ces rencontres plus ou moins furtives que j’ai eu la chance de faire. Une collection d’impressions qui formeront, peu à peu, comme une mosaïque d’humains — un autre aspect de l’Humanologie.

Un jour d’été à Aberdeen, une ville du nord de l’Écosse toute recouverte de gris. Un beau gris, un gris fier, presque métallique qui donne à la ville une douce unité. Une ville entière née des mines de granite alentour.


Je suis là pour quelques jours. Je loge chez Ian, un « Aberdonian » d‘une soixantaine d’années qui m’a généreusement ouvert sa porte grâce au réseau WarmShowers1. On ne se connaît pas, et pourtant j’ai l’impression d’être en famille. Le premier soir, il m’accueille avec une délicieuse soupe de légumes de son jardin. Il me parle de sa vie, de sa ville. Une ville où il a grandi et où il compte vieillir.


Le lendemain, il m’emmène faire un tour à vélo. Il me montre sa version de la ville. On passe par son potager collectif, puis par un très joli quartier résidentiel, de mignonnes petites maisons alignées proprement, qui donnent une impression d’extrême douceur. Enfin, on se retrouve en bord de mer. On se pose là, admirant l’infini qui s’étire devant nous.


L’après-midi, on repart vers le centre-ville. Aberdeen resplendit sous le soleil éclatant : ce n’est plus une ville grise mais une ville argentée. Puis, Ian m’emmène un peu plus loin, au bord d’un immense cratère. Il m’explique que c’est d’ici qu’a été extrait le granit qui a servi à la construction d‘Aberdeen. Enfant, Ian venait ici avec ses amis regarder les ouvriers qui y travaillaient. Le trou était si grand, les ouvriers si profondément enfoncés dans la terre qu’ils avaient l’air d’humains miniatures. C’était il y a plus d’un demi-siècle. Au fil des ans, les ouvriers sont partis et le trou s’est rempli d’eau.


On rentre et Ian cuisine à nouveau un repas délicieux et presque entièrement autoproduit ! Il est fier de ses légumes et je le comprends : je le serais aussi. Pour ma dernière soirée, il a une surprise pour moi. Il s’est renseigné sur les pubs sessions ((Sessions musicales de musique folk ouvertes à tous, dans un esprit de partage et de convivialité.)) du jour et me donne le nom d’un bar où je peux aller ce soir jouer avec des musiciens locaux. Il me montre l’adresse sur un plan et me dit gentiment : « Profites-en bien ! Je resterai éveillé pour m’assurer que tu sois bien rentrée. »


Le lendemain, je m’en vais vers d’autres aventures. La tête pleine de souvenirs, je pédale vers la gare. Prochain arrêt : Glasgow.
Ian m’a fait un sandwich pour le train. « Sois prudente, hein ? »

  1. Réseau en ligne un peu comme CoushSurfing mais pour les randonneurs cyclistes. []

6 réactions sur “Ian, ange-gardien écossais

  1. Bonjour Jennifer
    Merci de ce partage, pleins de vie.
    Un bel encouragement, pour avoir les yeux grands ouverts, les oreilles disponibles à l’instant présent, que l’on se déplace.. ou que l’on soit « surplace »

  2. Merci pour cette balade en convivialité, simplicité et générosité. L’Ecosse est un lointain souvenir pour moi. Je me rappelle tout au bout, au nord, les midjies – j’ignore si ça s’orthographie ainsi – de minuscules insectes invasifs, surtout en camping, ils passaient par les trous de la moustiquaire.
    Est ce vous qui chantez dans la vidéo de cette semaine/nuages ? Très agréable aussi !

    1. Oui oui, c’est également moi qui ai composé et qui interprète la chanson. Merci pour vos retours ! Oui, les « midgies » (pas sûre de l’orthographe non pus) sont une véritable engeance typiquement écossaise 😀
      A bientôt
      Jennifer

  3. J’ai connu une même merveilleuse aventure en cette ville il y a de nombreuses années de cela. Je ne savais pas que les trains ne circulaient pas alors le week-end et que les gares étaient fermées. À dormir dans un abribus était la dernière solution lorsqu’in jeune couple s’est arrêté et m’a hébergé à dormir sous un merveilleux piano à queue jusqu’au petit déjeuner. Après m’avoir fait visiter leur ville, jusqu’à l’auberge de jeunesse ils m’ont accompagné avec un sens de l’hospitalité qui me marque encore avec tendresse 40 ans plus tard…

    Merci pour votre superbe invitation à revoir peut-être un jour cette belle cité et d’avoir pu la compléter avec humilité et humanisme avec des souvenirs qui ne faneront jamais…

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