Domination masculine : les femmes complices ?

Des femmes pratiquent une excision sur une petite fille en Gambie. L’excision est désormais interdite dans ce pays.

Les femmes n’ont pas été de simples victimes de la domination masculine. Elles ont participé activement à la reproduction du système patriarcal. Et elles avaient de bonnes raisons à cela.

Les femmes complices ? ll faut oser le dire. En Afrique, ce sont les grands-mères qui ont excisé leurs petites-filles (et le font encore aujourd’hui). En Asie ou en Inde, ce sont les mères qui ont pratiqué les infanticides (et le pratiquent encore dans certaines zones rurales). Partout, ce sont les mères qui ont élevé leurs filles pour devenir des épouses modèles: en leur apprenant la cuisine, la couture, les tâches ménagères. Ce sont les mères qui ont souvent chouchouté leur garçon, soutenu et coacher leur mari dans leurs affaires. Ce sont les belles-mères qui ont brimé et parfois tyrannisé leurs belles-filles. Pourquoi les femmes ont-elles si souvent contribué à perpétuer un ordre qui leur semble si défavorable? Parce qu’elles y trouvaient leur compte. Danièle Elisseef a écrit plusieurs livres remarquables sur l’histoire des femmes chinoises (1).

Pour ce que l’on en connaît, on est loin des clichés de l’être fragile, réservé et effacé que voudrait entretenir le mythe de l’éternel féminin (le Yin). Le monde de la Chine ancienne était dur et violent. Et les femmes l’étaient aussi. Pour la jeune femme qui avait toujours vécu dans le giron familial, se marier était l’occasion de prendre son envol pour une nouvelle vie et acquérir un nouveau statut et pouvoir se construire une vie à soi. On attendait de la jeune épouse qu’elle mette au monde des enfants et avant tout des garçons. Avoir un garçon était non seulement un motif de fierté, mais aussi l’assurance de voir conserver sa terre, son troupeau, sa boutique ou son titre de noblesse, en plus d’avoir un nouveau couple à proximité pour s’occuper de vous durant vos vieux jours. Une femme qui rêvait d’assurer sa sécurité, son avenir et améliorer sa condition n’avait souvent d’autres choix que de le faire dans le cadre d’un foyer prospère. Et donc de chérir elles aussi un fils plutôt qu’une fille. Une mère pouvait attendre d’une fille au mieux une main-d’œuvre pour l’aider dans les tâches quotidiennes, au pire, c’était une charge. Quand viendrait le moment du mariage, il fallait la doter, ce qui représentait un coût considérable si on voulait faire bonne figure. Puis la jeune femme allait quitter la maison pour aller se mettre au service d’une autre famille. Une fille était un investissement à perte. « Avoir une fille, c’est comme arroser le champ du voisin », dit un vieux dicton asiatique.

Pour autant, cela n’empêchait pas d’aimer sa fille et d’espérer pour elle le meilleur parti. Il faut donc la rendre la plus belle et désirable possible. En Chine, le summum de la coquetterie était les « petits pieds ». Il fallait donc les bander pour les atrophier et empêcher leur croissance. Les mères ou les grandes sœurs se chargeaient de la besogne. Former une fille, c’était aussi lui apprendre les travaux domestiques et le travail de future mère (c’est pourquoi elle devait s’occuper de ses petits frères ou sœurs). Une épouse avisée avait tout intérêt à soutenir les affaires de son mari. L’aimer ou pas n’avait pas grand-chose à voir: l’important était que le guerrier ramène un butin, que le paysan puisse vendre ses récoltes, et que le commerçant prospère dans ses affaires. S’accomplir comme femme revenait à se faire une place en tant qu’épouse, mère, belle-mère, grand-mère ou concubine. Autrement dit, les femmes ont participé activement à la reproduction du système patriarcal parce que c’était pour elles le seul moyen de s’assurer une vie meilleure. 

(1) La Femme au temps des empereurs de Chine, 1988 et 20e siècle: la grande mutation des femmes chinoises, 2006.

Un commentaire sur “Domination masculine : les femmes complices ?

  1. Faut-t-il-vous expliquez ce qu’il advenait de celles qui osaient braver la « Pseudo »loi du patriarcat » ? Relire le passé avec des yeux d’aujourd’hui n’avance à rien je le crains..:: Faire évoluer son regard maintenant, dans le sens de soutenir l’Humain c’est l’urgence…femme et homme et femme et homme et face co-créant un monde libre et respectueux de Nous

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