Il y a 200 États dans le monde, mais ils abritent environ 6 000 langues. Alors que certains grands pays ne possèdent qu’une langue, d’autres, comme la Nouvelle-Guinée, en possèdent 850.
Les estimations varient entre 4 500 et 6 000 langues. Un tel nombre peut surprendre dans un pays comme la France où règne le monolinguisme, et même en Belgique et au Canada (avec deux langues) ou en Suisse (quatre langues). Mais c’est oublier que certains États, formés récemment, abritent un très grand nombre d’ethnies. Ainsi, on compte 410 langues au Nigeria, 380 en Inde, 200 au Cameroun, en Australie et au Brésil. La palme revient à la Papouasie-Nouvelle-Guinée avec 850 langues et l’Indonésie (670 langues). Certaines langues ne sont parlées que par un tout petit nombre de locuteurs, parfois par moins de 100personnes: c’est le cas des langues papous, amérindiennes ou Aborigènes ayant longtemps vécu dans un relatif isolat géographique. Les spécialistes ne sont pas d’accord pour distinguer un dialecte d’une langue. On a dit qu’une « une langue, c’est un dialecte avec une armée et une police ». Le critère habituellement retenu pour distinguer une langue d’un dialecte est le degré de ressemblance permettant ou non l’intercompréhension.
Par exemple, les dialectes parlés en Tunisie, Libye, Algérie ou Maroc relèvent tous d’une même langue: l’arabe. En Espagne, le castillan et le catalan sont deux dialectes dont l’un – le castillan – a été érigé au rang de langue officielle. Comment naissent et se transforment les langues ? La question de l’origine première du langage puis de l’apparition des différentes langues du monde reste une énigme qui fait l’objet de nombreux débats. Comme pour les espèces vivantes, les langues nouvelles ne naissent pas ex nihilo, mais proviennent toujours de l’évolution, de la différenciation ou du mélange de langues existantes. Le français en est un bon exemple. Au 10e siècle, on parlait en France d’une variété de dialectes. Au sud, les langues d’oc (les différentes variétés d’occitan) et au nord les langues d’oïl. Parmi ces dernières, il y avait le francien ou le dialecte de l’Île de France, parlé par les gens de la cour. La langue « savante », celle des clercs et des prêtres, était le latin. C’est pourquoi autour des universités parisiennes, on parlait latin au Moyen Âge (d’où le nom de « quartier latin »). Le dialecte francilien est devenu la langue officielle à partir du 10e siècle. Puis, il devient une langue littéraire. Montaigne et Pascal sont parmi les premiers intellectuels à écrire en français.
De la Renaissance au 17e siècle, le français littéraire ne cesse de se transformer, et il n’est pas encore bien codifié avant la création de l’Académie française en 1635. Dans les provinces françaises, on continue à parler différents dialectes, picards, béarnais, et leurs divers patois locaux. Il faut attendre le 21e siècle pour que l’unification linguistique, réalisée notamment par l’école primaire, fait à l’égard de la langue, ce que l’Église avait fait à l’égard de la religion. Comme toutes les langues, le français ne cesse de changer. D’abord, parce que le vocabulaire évolue: des mots anciens disparaissent de l’usage (« ventre sans gris », « espagnolette », « dextre », « s’esbaudir »), et d’autres apparaissent (« email », « employabilité », « meuf », « judiciariser »). Certains mots restent mais changent de sens (« chétif » voulait dire méprisable en ancien français). Les règles de grammaire subissent aussi des inflexions. Le cas des langues créoles constitue une particularité éclairante. Certaines sont apparues très récemment et on dispose de quelques informations sur leur naissance. Ainsi, les créoles des Caraïbes sont nés au 17e et 18e siècle à la suite du mélange de populations d’esclaves venus de régions très différentes d’Afrique. Des milliers de gens qui ne parlaient pas la même langue se sont retrouvés dans les plantations: ils ont inventé de nouvelles façons de parler en empruntant à leur langue d’origine et à celle des colons (français ou anglais). Mais les linguistes notent que les langues créoles ne sont pas de simples mélanges composites de mots ou de règles venus de langues diverses. Elles se sont rapidement constituées en un système avec leur cohérence interne, leur vocabulaire propre marqué par des régularités de prononciation, des règles régulières d’organisation des phrases. Autre constat: l’inventivité des hommes est très forte. Car à partir de matériaux épars, ils peuvent en une ou deux générations reconstruire une langue nouvelle.
L’extinction massive des langues
Les langues sont soumises aujourd’hui à un phénomène de disparition massif. On estime qu’il disparaît environ 25 langues par an !1. Ce n’est pas la mondialisation qui contribue à la disparition des langues: c’est l’État et l’école! En réalisant l’unité d’un pays, en constituant une administration et une langue officielle et en scolarisant les populations, les États provoquent une réduction massive des langues régionale. Il se passe aujourd’hui au Nigeria ou en Papouasie ce qui se passait en France au 18e et 19e siècle quand coexistaient encore le champenois, le lorrain, le normand, le poitevin, l’auvergnat, l’occitan, le provençal, le gascon, et le morvandiau.
À cela s’ajoute la disparition des communautés qui vivaient en relative autarcie (en Afrique noire, Indonésie, Amazonie) et qui sont intégrées dans des ensembles plus vastes par exode rural, urbanisation, et scolarisation. Si la réduction massive du nombre de langues semble un processus irréversible, des communautés réussissent à les maintenir en vie en exigeant leur enseignement et leur maintien dans les documents officiels: c’est le cas du corse et du breton, en France, mais aussi de nombreuses langues amérindiennes ou d’Océanie. •
- Claude Hagège, Halte à la mort des langues, Odile Jacob, 2000. [↩]
Sous le même nom, une langue peut changer. Il paraît que les Anglais ne comprennent plus Shakespeare dans le texte original et qu’on est obligé de le traduire en anglais moderne, ce qui veut dire que les œuvres d’auteurs moins connus sont perdues.
Le français est plus stable que l’anglais, mais évolue également. Je suis opposé à une liberté totale, notamment dans les programmes scolaires, pour qu’on puisse se comprendre entre deux pays francophones. Quand j’étais jeune on avait du mal à comprendre les Québécois, leur gouvernement a fait un grand effort avec notamment des présentateurs en français standard à la télévision, et c’est un problème qui me paraît presque réglé. Plus de détails dans : https://www.yvesmontenay.fr/2023/05/25/le-francais-est-il-menace-par-son-evolution/
Ben voilà … prout (c’est d’ailleurs quelle langue ?)