Mon chat Odilon est allongé sur le canapé. Il se prélasse. De temps en temps, il s’étire, se lèche les pattes, se lève pour aller croquer quelques croquettes, puis revient s’allonger. Tout à l’heure, il viendra miauler devant la porte pour demander à sortir. Quand il est là, allongé à ne rien faire, à quoi pense-t-il ?
À mon avis, à pas grand-chose.
Oui, les chats sont des animaux intelligents, (encore qu’on en fait beaucoup trop à mon avis sur l’intelligence animale en nous expliquant qu’ils sont des petits génies aux capacités cognitives insoupçonnées), mais il n’est pas sur qu’ils pensent vraiment.
Dans sa vie intérieure de chat, sans doute voit-il défiler quelques vagues images de souris ou d’oiseaux qu’il aimerait manger. Fantasme-il sur une mignonne petite chatte, croisée un jour sur son chemin ? (Ça ne pourrait être qu’un amour platonique : Odilon a été castré). En revanche, peut-être rumine-t-il une rencontre avec un chat rival qui rôde dans le quartier et fait parfois intrusion sur son territoire : notre jardin ?
À mon avis, ça ne va guère plus loin.
Supposons qu’on greffe sur le cerveau d’Odilon une petite machine à idées, comme tous les humains en sont équipés. Aussitôt son cerveau va s’emballer.
« Ce soir, où est-ce que je vais aller rôder ? Près des poubelles au fond de l’impasse où l’autre jour, j’ai vu l’autre jour un gros rat ? Non, il trop gros pour moi, et de toute façon, le lieu est mal fréquenté : il y a ce sale matou gris (il m’est tombé dessus et j’ai failli prendre une raclée la semaine dernière). Où vais-je aller traîner ?
Au fond du jardin du voisin, des oiseaux viennent souvent soulever les feuilles pour picorer des trucs. Je crois que c’est des graines… Il faudrait que je trouve un moyen d’en trouver, de les transporter dans notre jardin. J’en déposerai au pied d’un arbre. Je me mettrai à l’affût et hop … Mais comment faire ?
Des graines ? voyons : il y en a des paquets dans le placard de la maison. Je vois souvent MC ou JF (mes proprios) en sortir, les cuisiner puis les manger. Si je pouvais en ramener dans le jardin ? Mais comment transporter un sac de graine ? Impossible !
À moins que… Et si j’essayais avec mes croquettes ? Ça ressemble à des graines, ça se mange… Peut-être que les oiseaux ou les souris seront attirés ?
Mais c’est pareil, comment transporter les croquettes ? Mes pattes de chat sont pratiques pour grimper aux arbres, attraper les proies… mais pas évident pour transporter des croquettes. Le mieux serait de demander à mon maître de m’aider. Pas facile non plus : j’ai souvent du mal à me faire comprendre de lui. (De mon côté, je reconnais que je ne comprends pas grand-chose non plus à ce qu’il fait ou ce qu’il dit. À vrai dire, on s’aime bien mais on a du mal à se comprendre…).
J’ai une idée ! Si je lui montrais ce que je veux. Après tout, quand je miaule devant la porte pour sortir ou quand je viens me frotter contre lui pour avoir des caresses, il comprend bien mes intentions. Si je lui montrais que je veux déplacer mon bol de croquettes vers la sortie, en le poussant à petits coups de patte, il devinera que je cherche à faire quelque chose… Il va peut- être prendre le bol et le sortir pour moi… Et si, en miaulant et en me retournant, je le conduis auprès de l’arbre, il me suivra.
Je ne sais pas si ça va marcher, mais en tout cas, ça vaut peut-être le coup d’essayer »…
Si les chats pensaient, voilà à quoi Odilon pourrait donc se remuer les méninges.
À partir d’un désir (attraper des oiseaux ou des souris ), il anticiperait, ferait des plans, élaborerait des stratagèmes puis passerait à l’acte.
Or, depuis des millénaires, le mode de chasse des chats reste désespérément le même. Sortir, rôder, se mettre à l’affût… Et entre temps, dormir, ronronner, se lécher, se balader dans la maison, regarder avec curiosité les trucs nouveaux (c’est l’instinct du chasseur que de fureter partout et s’intéresser à toutes les nouveautés).
Les humains, eux, sont embarrassés par la pensée. Leurs envies, ils les transforment en images mentales, en rêveries, en anticipation, puis en hypothèses et stratagèmes, et enfin en plan d’action. Ce genre d’élaboration mentale occupe une grande partie de nos pensées intérieures.[1]
Les chats ne font rien de tout cela.
Si c’était le cas, on les verrait s’agiter comme nous : essayer de transporter des croquettes, offrir des petits cadeaux aux chattes pour les séduire, trouver un moyen de s’armer ou de s’allier provisoirement avec les copains du quartier pour faire fuir les chats rivaux. Il aurait appris à lire tous les bouquins qui sont dans la maison.
Au lieu de cela, Odilon reste sur le canapé à vivre sa vie de chat, jamais tourmenté par la pensée…
[1] Voir « À quoi tu penses ? » L’Humanologue n° 5
Si comme le dit l’auteur de cet article, on peut considérer qu’un être pense lorsque, à partir d’un désir, (attraper des oiseaux ou des souris ), il est capable d’anticiper, de faire des plans, d’élaborer des stratagèmes puis de passer à l’acte, alors les chats pensent.
Quiconque a un chat et l’observe a remarqué qu’il anticipe, élabore des stratagèmes (vol de nourriture même lorsqu’elle est entreposée « hors d’atteinte », évasion de l’appartement qu’on croyait sûr et bien fermé, etc.), et il peut faire des cadeaux (il exprime sa gratitude et son attachement en déposant le produit de sa chasse à nos pieds ou sur notre lit :-S).
Il intègre les informations relatives aux autres chats ou animaux de la maison et du voisinage, aux différents humains de son entourage, et il en tient compte pour mener sa propre existence, obtenir ce qu’il souhaite, modifier ses habitudes si nécessaire (son parcours de maraude, ses lieux de repos et cachettes… ).
Il a non seulement des désirs, mais des préférences (alimentaires, de confort, de jeux, parmi les personnes de son foyer…) qui peuvent évoluer.
J’invite l’auteur de l’article à mieux observer Odilon. Je crois qu’Odilon pense (pas en français, comme dans le texte imaginé dans l’article, mais il pense).
Petite remarque: on pourrait appliquer cette description à d’autres créatures.
Par exemple: après s’être longuement étiré, il passe à la douche, un petit déjeuner et il part au travail. Tout en rangeant machinalement quelques dossiers, il contemple la plastique admirable de la nouvelle stagiaire. C’est décidé, aujourd’hui il passe à l’action. Il s’approche et lui lance d’un air avantageux: un petit café ? Elle lui sourit mais elle ne comprend pas. Cette jolie coréenne ne parle donc pas français ? Qu’à cela ne tienne, il essaye en anglais. Rien non plus. Il pense à son chat. Il lui parle souvent pendant qu’il le caresse. Il ne va quand même pas caresser cette coréenne. Il serait peut-être mal compris. Quoique…
Ce texte peut tout à fait s’appliquer au chat qui vit chez ma soeur, et que je peux observer régulièrement quand je vais passer quelques jours chez elle… je souscris tout à fait à ce qu’a écrit JFD, et la lecture de cette petite contribution pleine d’humour à une meilleure compréhension du comportement des chats m’a bien éclairée sur ce qu’il se passe dans la tête de notre cher « Casper »….
C’est toujours intéressant de voir comment on a peur que les animaux nous ressemblent tellement nous nous pensons unique à l’image de notre créateur.
Les pensées existent aussi pour les animaux car elles ne sont pour beaucoup que des images (généralement c’est rare qu’on voit défiler des mots en pensant). Alors il est probable que les animaux dits supérieurs, dont les chats, voient des images lorsqu’ils pensent ou rêvent, les mêmes que celles qui voient défiler dans leur vie.
Après il est vrai qu’ils ne font pas de supputations ou de plans (« sur la comète »…) à partir de ces images comme le mental indiscipliné des humains peut le faire.
Après les animaux au système nerveux développé peuvent très vraisemblablement avoir des comportements d’apprentissage, observation et imitation pour arriver au résultat observé qui ressemblent bigrement à des formes d’intelligence …
Mais tout cela nous gêne parce que nous nous estimons tellement supérieurs que nous ne pouvons que les rabaisser … Nous avons définit l’intelligence à partir de la seule référence que nous connaissons c’est à dire l’intelligence humaine (le pouvoir d’anticipation, l’interrogation sur le futur et les plans pour maitriser ce futur, et surtout la puissance de maitrise de la nature par une intelligence qui développe de façon prédominante la technologie …). Mais si on définit l’intelligence sur d’autres critères par exemple la « capacité au bonheur » ou la « capacité à vivre en harmonie avec son environnement » , l’humain serait pas très élevé sur cette échelle d’intelligence …
Et maintenant, elle me fait la lecture. Ça le fait pas, c’est l’heure d’aller au lit, j’ai câlin sous la couette moi.
Qui n’a pas imaginé qu’un langage humain accompagnait la pensée du chat ? C’est vrai que les miaulements d’un bavard, c’est pas toujours clair non plus