L’effondrement du nombre d’insectes dans le monde est une réalité incontestable. Le phénomène est bien documenté : la quantité d’insectes a diminué de 70 à 80 % dans les paysages européens comme le confirment de nombreuses études menées durant ces dix dernières années.
Les automobilistes peuvent le constater d’eux-mêmes. Il n’est plus besoin de laver le pare-brise de sa voiture régulièrement pour effacer les traces d’insectes écrasés. C’était le cas il y a trente ans. Cela étant dit, sachant que les insectes sont les principaux pollinisateurs des arbres fruitiers, comment se fait-il que, malgré leur disparition, les pommiers et poiriers donnent encore des fruits ?
Le documentaire Le Silence des abeilles (Doug Schultz, 2007) avait alors ému le monde. On y voyait des paysans chinois contraints de polliniser leurs arbres fruitiers à la main ! Ce triste constat semblait confirmer cette prédiction d’Albert Einstein : « Si les abeilles disparaissaient, l’homme n’aurait plus que quatre ans à vivre. » Et le documentaire lançait un cri d’alerte. Les insectes ayant disparu, les arbres fruitiers ne seront plus fertilisés. Abeilles et autres étant les agents de pollinisation des plantes, sans eux, plus d’arbres en fleurs, de légumes et de fruits ! Le compte à rebours a donc commencé. C’était il y a quinze ans déjà… Pourtant les arbres continuent à donner des fruits.
En réalité, si les paysans de la région de Sichuan pollinisent effectivement manuellement des arbres fruitiers, ce n’est pas parce que les abeilles ont disparu mais pour pratiquer une « fertilisation croisée » (entre arbres d’espèces différentes) en vue d’augmenter leur rendement.1
Le nombre d’insectes a effectivement baissé depuis une génération. Les apiculteurs ont vu les populations d’abeilles s’effondrer. Pourtant, partout dans le monde, la pollinisation naturelle des plantes se poursuit. Pourquoi ? Parce que contrairement à la thèse répandue d’un effondrement global, la baisse du nombre d’insectes est attestée uniquement dans des zones précises : les insectes désertent les lieux où ils sont éliminés (par les insecticides) et dans les champs de céréales où les plantes sont ensemencées. Mais les insectes restent présents partout là où il y a des fleurs : non seulement les jardins et les vergers mais aussi dans les exploitations agricoles où on fait toujours pousser fruits et des légumes.
Partout, la fertilisation a toujours lieu « à l’ancienne » grâce au concours des abeilles, guêpes, bourdons et autres insectes qui sont toujours là pour faire le job. En 2019, une étude australienne annonçait qu’« il n’y aurait plus d’insectes à la fin du 21e siècle ». L’étude a fait le tour de la presse mondiale, qui n’a pas pris la peine de rectifier l’information quand la société américaine d’entomologie a contesté cette thèse.
- André Fougeroux, « La pollinisation manuelle en Chine : une mystification apido-médiatique française », article en ligne. [↩]
Cet article est une utile mise au point sur une mystification « apido-médiatique » qui n’est pas seulement française. Une précision: la fertilisation croisée se fait entre arbres de variétés (pas d’espèces) différentes; et pas n’importe quelles variétés.
Marci Michel pour cette utile correction (comme toujours !)