Réponse à la tribune de Camille Froidevaux-Metterie.
En septembre 2024 s’est ouvert à Avignon le procès consacré aux viols de Mazan. Gisèle Pélicot a été droguée par son mari, puis offerte à des dizaines d’hommes qui l’ont violée alors qu’elle était inconsciente. À l’ouverture du procès, la philosophe Camille Froidevaux-Metterie publiait une tribune dans la presse assimilant « le calvaire de Gisèle Pélicot » à une « violence patriarcale ordinaire ». La philosophe féministe n’y allait pas de main morte, assimilant les viols perpétrés sur Gisèle Pélicot à « l’ordinaire de la violence patriarcale », accusant sans nuance la société d’avoir été complice, dénonçant « une société imprégnée de la culture du viol ». Les accusés de Mazan figurent, selon elle, « tous les maris, tous les voisins, tous les frères, tous les amis, tous les pères, tous les hommes ordinaires ». Les viols de Mazan révéleraient, au fond, la « terrible banalité des agressions sexuelles qui peuvent être commises par des hommes de tous les âges, de tous les milieux ». (lire le texte en ligne sur Médiapart). Que répondre à de telles outrances ?
• Une culture patriarcale ? Non, le patriarcat n’a jamais consisté à livrer sa femme en pâture à des inconnus ! Si les mots ont un sens, le patriarcat repose au contraire sur la propriété jalouse et exclusive des femmes par leur mari et des filles par leur père (au point de les tenir recluses à domicile et de leur interdire de sortir seules pour les tenir à l’écart des autres hommes).
• Pratique ordinaire ou sexualité marginale ? La pratique de la sexualité de Dominique Pélicot n’a rien « d’ordinaire ». Elle relève du « candaulisme », expérience sexuelle très atypique qui consiste à jouir de voir sa femme prise par d’autres hommes. Ceux qui ont participé aux viols ne pratiquent pas non plus une sexualité masculine ordinaire. Ils ont pris contact avec Dominique Pélicot sur un site de rencontre (coco.gg), plateforme fréquentée par des adeptes de pédopornographie où le proxénétisme, la prostitution, les viols, les guet-apens s’exprimaient librement. Le site a été fermé en juin 2024 par les autorités judiciaires. C’est sur ce site que Dominique Pélicot avait ouvert un groupe de discussion appelé « À son insu », qui indiquait très clairement l’objectif : avoir des relations sexuelles avec une femme inconsciente.
• La société complice ? Camille Froidevaux-Metterie dénonce une société complice. Elle va jusqu’à accuser les professionnels de santé qui suivaient Gisèle Pélicot (pour des problèmes gynécologiques) de ne pas avoir lancé l’alerte. Mais qui aurait pu suspecter de tels faits ? La société complice ? L’affaire n’aurait pas été révélée si un agent de sécurité d’un supermarché (un « homme ordinaire ») n’avait surpris Dominique Pélicot en train de filmer sous les jupes des clientes. C’est lui qui a appelé la police et encouragé les clientes à porter plainte. Les policiers et juges qui ont traité l’affaire n’ont pas été complices. Ils ont mené une enquête, découvert les vidéos, et un juge, sans doute écœuré comme vous et moi, a inculpé Dominique Pélicot.
• Des hommes ordinaires ? On connaît désormais les profils des hommes qui ont participé aux viols de Gisèle Pélicot. Ils ne sont pas tout à fait « monsieur tout-le-monde » comme l’affirme Camille Froidevaux-Metterie. Quand on examine les accusés, leur profil est au contraire très marqué. Sur les 51 accusés, environ la moitié (24) sont des ouvriers (dont des chauffeurs routiers, magasiniers, ouvriers du bâtiment), sept sont chômeurs et six retraités, ce qui n’est pas vraiment représentatif de la population masculine française. Douze d’entre eux (soit environ un quart) ont un casier judiciaire (pour violences conjugales, vols, trafic de stupéfiants, conduites en état d’ivresse). Plusieurs sont des délinquants multirécidivistes. Le chef de chantier, un des deux seuls « cadres », a effectué près de 18 ans de prison pour viols et violences conjugales. Enfin, plusieurs ont des pratiques sexuelles déviantes : ils possèdent sur leur ordinateur des images pédopornographiques. C’est le cas notamment d’un des deux sapeurs-pompiers qui violait Gisèle Pélicot en uniforme ! Des « chics types » (sic) et des « hommes ordinaires », vraiment ?
L’explication des « viols de Mazan », comme ceux qui ont récemment défrayé la chronique – les révélations a propos de l’abbé Pierre, le viol et le meurtre de la jeune Phillippine – mérite mieux que des analyses à l’emporte-pièce sur la « violence patriarcale ordinaire » et » une société imprégnée de la culture du viol » qui n’aurait pas changé depuis des millénaires. Ce devrait être le travail de ceux qui font profession de penser, de s’informer avant d’en tirer des conclusions douteuses qui ne correspondent pas aux faits.
Tout de même, n’y a-t-il pas chez beaucoup d’hommes une propension à préférer au plaisir sexuel-charnel, (d’autant plus grand qu’il est partagé, dans une relation symétrique), le plaisir narcissique, supposant le contrôle de l’autre, voire son humiliation ? En cela cette affaire n’est pas sans rapport avec la domination masculine. Comment peut-on prendre du plaisir avec une personne non consentante ???
Je voudrais dire à Odile, si elle me lit (?), que « le contrôle de l’autre, voire son humiliation » n’est pas un comportement spécialement lié au sexe. On le rencontre dans les familles, dans le monde du travail, à égalité chez les hommes et les femmes (hélas). Il s’agit tout bêtement de l’exercice du Pouvoir.
Il est possible que, pour certains, il s’accompagne d’un plaisir narcissique mais ce n’est pas une nécessité.
Dans le cas du viol, par exemple, la recherche du plaisir n’est pas le sujet, c’est la domination.
Les féministes d’aujourd’hui nous bassinent avec cette idée et c’est logique: en finir avec le patriarcat est un thème porteur. Mais la domination masculine est-elle une réalité ?
Chez certains vieux grigous ou chez les traditionalistes c’est possible.
Chez les autres, j’en doute. La libération des moeurs dans les années 60-70 a joué à ce sujet un rôle capital. Mais il est pratique de mettre un échec conjugal sur le compte de la domination masculine…
Grrr, Odile ! Le plaisir narcissique n’a rien à voir avec le contrôle de l’autre ou son humiliation. C’est l’amour de soi-même (cf la légende de Narcisse). Narcisse se fout éperdument de l’autre. Et le plaisir, Narcisse le trouve avec lui-même.
Quant à la domination masculine elle n’a d’égale que la domination FEMININE, dont la réalité, la littérature et le cinéma donnent de nombreux exemples.
Quant au plaisir avec une personne non consentante, c’est un privilège des garçons, désolé. Parce que je vois pas bien comment une fille peut faire son affaire d’un mec qui bande pas. Cette propagande anti-mecs est insupportable !
Bonjour, je crois qu’il faut plus que jamais se souvenir que nous vivons dans la société « spectaculaire marchande » comme l’appelait Debord, me semble-t-il. Pour exister aux yeux des autres, et probablement aux siens propres, il faut « cartonner ». Mais qui se souviendra de cette Camille Froidevaux-Metterie une fois le procès terminé ? Peut-on raisonnablement compter sur le qualificatif « philosophe » ? Autrefois ce mot désignait un vieux plutôt chiant et ringard. Aujourd’hui on l’applique à quiconque tient des propos de comptoir sur un medium audiovisuel. Mais au fond ça veut peut-être dire la même chose…
Je comprends l’argumentaire. Je pense qu’il y a quelque chose d’endémique. Et ceci n’apparaît pas parce que les femmes se taisent, ceux et celles qui subissent des violences. Je m’interroge sur les médecins. Tout le monde se protège. Les médecins, la justice, la famille, l’éducation nationale … Il faudrait une réflexion et un travail en profondeur. Il faudrait de l’éducation, de la prévention, du soin. Je pense aussi au Goncourt des Lycéens 2024/2025 où l’on propose à la lecture en lycée, aux ados (14-15-16 ans) des oeuvres pour adultes plus que perturbantes. Les enfants ne sont pas protégés. (Rebecca Lighieri – Le club des enfants perdus).
J’apprécie votre réflexion et vos articles.
Merci pour votre article. Je vivais très mal la tribune de cette « philosophe ». Dans sa bulle de haine envers « les hommes », il n’y a pas de place pour la cohabitation pacifique entre les genres. Le seul effet, hélas négatif auquel aboutira ce genre de propos, sera sans doute de cristalliser les virilistes dans leur posture violente envers les femmes, de leur donner « bonne conscience » en quelque sorte. Comment reconstruire un monde apaisé avec des femmes aussi peu nuancées dans leur rejet de l’autre ? Le monde a besoin de réflexion plus que de passion sur un tel sujet. Il me semblait que la philosophie servait à mettre à distance les passions pour plus de sagesse.
J’ai dénoncé pour ma part la façon de generaliser à tous les hommes cette affaire et d’estimer le patriarcat responsable de ce drame sur mon blog http://www.blogversus.fr . Il s’agit d’une méconnaissance de ce qu’est le patriarcat. D’autres facteurs sont à l’origine de tels comportements notamment des tabous sexuels, le tabou étant très désirable dans son essence.