La question se repose tous les jours pour celui ou celle qui a en charge les repas. Comment s’y prend-on pour résoudre ce problème ordinaire ? L’humanologue propose ses recettes. A vous de les enrichir.
Tous les jours la même question. Elle se pose à celui ou celle qui a la charge du repas. Quel menu pour la petite famille ?
Et chaque jour appelle une nouvelle réponse. Ce problème ordinaire est l’occasion de réfléchir sur les opérations mentales impliquées dans la pensée quotidienne. Les pensées intérieures ne se résument pas à une divagation mentale hors-sol, souvenirs du passé ou de grands projets d’avenir : la plupart de nos pensées sont reliées à des questions beaucoup plus cconcrètes, elles concernent le travail et la vie domestique. Et parmi elles, cette question récurrente : qu’est-ce qu’on mange ce soir ?
- Principe de plaisir, principe de réalité et principe moral.
La solution la plus spontanée consisterait à laisser parler ses envies. « pizza- salade-bière ! », « choucroute ! », « hamburger » !
L’hiver, il fait froid, on rêve de choucroutes garnies ou de couscous ; l’été, la chaleur est là, l’envie se porte sur les produits frais et légers : les salades, les fruits. Le corps nous parle et traduit ses besoins sous forme d’images spontanées, par un mystérieux mécanisme encore à élucider.
Mais l’envie se heurte aussitôt à un principe de réalité. Envie de pizza ? La supérette du bas est fermée. La livraison est coûteuse, on en a déjà mangé hier. Et puis surtout, la diététique réprouve. La morale culinaire contemporaine nous enjoint à éviter les produits cuisinés, le gras et le salé.
Le principe de plaisir (les envies) se heurtent donc au principe de réalité (le magasin fermé) et au principe de moralité (nourrir les siens correctement).
Dès lors, il va falloir se « creuser la tête » pour composer le menu : une forme banale de créativité révélatrice de nos processus mentaux ordinaires.
Une démarche courante consiste à passer en revue des menus courants : des pâtes ? (on en a mangé à midi). Du riz ? (pas dans le placard). Des légumes ? (Oui, mais lesquels ? Petits pois, haricots, pomme de terre ?). Cette simple opération mentale implique deux processus : les schémas mentaux et la rationalité limitée.
• Schémas mentaux et recettes de cuisine
Penser « repas », c’est penser à un menu composé d’un modèle courant : entrée + plat + dessert qui peut se simplifier (en supprimant l’entrée). Ce schéma en tête, on passe à une rapide check list. La mémoire humaine est très sélective et limitée. Un ordinateur pourrait lister 50 recettes possibles et les sélectionner à l’aide de critères rigoureux : saisonnalité/ prix/ disponibilité des aliments/préférence des membres de la famille.
La psychologie cognitive s’est d’abord appuyée sur de tels modèles du cerveau-ordinateur pour expliquer les mécanismes mentaux de la décision.
Mais cette voie s’est révélée être une impasse. La pensée humaine ne fonctionne pas ainsi. Le nombre de plats que l’on a en tête à un moment donné est limité et on se borne à des recettes courantes. La lassitude réduitd’ailleurs la créativité. Quel dessert ? Ce sera yaourt ou fruit) ; la viande ? Ce sera steak haché ou filet de poulet. Les autres idées nous sont simplement « sorties de la tête ». Les livres de cuisine sont là pour nous aider en cas de « panne d’idée ».
La pensée ordinaire produit des arborescences (légumes = pomme de terre, choux, carotte, haricots, petits pois, potiron poireaux, épinard, etc.) mais, en situation, elles se réduisent à un nombre réduit de possibilités. De même, le raisonnement se limite à quelques calculs élémentaires. Le modèle de la « rationalité des choix » (qui a longtemps prévalu en économie) supposait un esprit calculateur qui effectue des calculs sophistiqués sur les coûts et avantages de chaque alternative. Le modèle de la rationalité limitée (conçu par Herbert A. Simon) suggère plutôt que l’humain en situation ordinaire utilise des « heuristiques » (c’est-à-dire solutions typiques) pour résoudre les problèmes courants. Les heuristiques sont fiables sans être optimales. À la question « qu’est-ce qu’on mange ce soir ? » on évitera de se creuser la tête à imaginer un nouveau repas grâce à une heuristique simple qui consiste à ouvrir son frigo et son placard pour voir ce qu’on a sous la main : des œufs ! Comment les préparer ? En principe, il y a de multiples façons de faire : omelette, œufs au plat, œuf à la coque, œuf brouillés, œuf-bacon, etc. Le cerveau est parfois paresseux, parfois légèrement imaginatif (omelette mélangée aux pommes de terre cuites d’hier) ou connaît de brusques éclairs de génie : « œuf-bacon » avec du jambon à la place du bacon !
Une autre heuristique courante consiste à demander à sa collègue de travail, (« Et toi, tu leur fais quoi ce soir ? »), ou encore à se tourner vers le livre de recette posée sur la cheminée. Enfin, une troisième solution courante consiste à retourner la question vers celui ou celle qui va mettre les pieds sous la table : « qu’est-ce que tu as envie de manger ? ». Si la personne est empathique, elle aura compris qu’il s’agit moins d’une marque d’affection que d’un appel à l’aide.
Pour pallier à cette question qui me taraude souvent, je fais des crêpes ou des gaufres une fois par semaine mais pas que. J’invente des recettes avec les restes du frigo, mangeables bien évidemment. Et en effet, à l’hiver, c’est beaucoup de soupes tous les soirs généralement. Je regarde également sur internet et dans mes livres de recettes, je me creuse les méninges pour leur préparer de bons petits plats. En cherchant bien, on trouve toujours, c’est mon adage…
Bonjour ! Eh ! oui ! quoi et comment manger,face à l’imprévu :
Exemple vécu : beaucoup âgée, seule, confinée, vaccinée, covidée ,ce vendredi 1 er avril !
3 pommes de terre vapeur, une bonne boite de sardines, un oignon cru, persil et ciboulette, avec un petit fond de musique, et des coups de fils reçus et donnés.
Non, la vie n’est pas obligatoirement triste,même avec les pépins qui adviennent !
Bon appétit à tous
A l’inverse de Léa, je pense que cette question concerne plus les « relativement pauvres » que les nantis. Faire un repas original, bon et nutritif avec un nombre limité d’aliments est compliqué. Il est plus simple d’attraper un flyer et d’appeler pour se faire livrer un repas (Libanais parce qu’hier c’était Italien et avant-hier paella) sans souci du prix ni de la saisonnalité. De même, c’est facile d’accommoder les poireaux du bac à légumes quand on peut, sans sacrifice notoire, dégainer un sachet de noix de Saint-Jaques surgelées et une vraie gousse de vanille ou un gramme de bon safran.
Pour ma part, je souffre beaucoup au printemps (tardif dans ma région) car c’est une période de transition entre les légumes d’hiver et les légumes d’été. Résultat, les producteurs locaux n’ont presque plus rien à proposer et c’est un vrai casse tête de cuisiner les mêmes produits sans lasser la petite troupe. Notre budget et la diététique laissent une place limitée à la viande, pourtant bienvenue en période de disette légumière.
A tel point que quand j’ai dès le matin LA bonne idée pour le repas du soir, ça m’enlève un vrai poids pour la journée, et ce même si LA bonne idée implique de cuisiner pendant une heure en rentrant !
C’est quand même une question de nantis.
Un peu indécente quand des millions de personnes se demandent si elles vont manger le soir.
Un autre exemple aurait pu être plus judicieux
Chère Lea
Merci pour votre réaction mais non, manger le soir ne concerne pas que de les « nantis ». En France, même les pauvres mangent. La question de savoir « qu’est ce qu’on va manger » se pose d’autant plus pour ceux dont le budget est serré.
Rappelons aussi que dans le monde d’aujourd’hui l’obésité tue plus que la faim. Et l’obésité ne concerne pas que les nantis.
L’hiver c’est soupe maison et fromage le soir: une soupe proche de la purée soit mixée soit avec la possibilité de reconnaître ses différents ingrédients Quelques variantes : le pain perdu avec fruit frais ou lés pommes sur canapé sont là pour combler notre estomac. Le printemps arrive et avec le Carême : différents légumes, oignons, fruits au four avec différents parfums ou épices. Pâque à partir de là tout est permis mais restons dans la légèreté toujours pour le soir.
Homme, 82 ans, 70 ans d’expérience en cuisine (scout, puis célibataire puis famille). Démarche constante : partir du produit, pas de la recette. Le cuisinier doit donc aussi faire des ou les courses. C’est à ce moment là qu’il décide de ce que l’on mangera les soirs. Et chaque soir la question est celle de la priorité, de trancher entre « envie » et « gâchis ». Le grand art : se régaler et ne jamais jeter.
oui, cent fois oui, c’est au moment où il fait les courses que le cuisinier décide des menus qui vont pouvoir suivre.
Deuxième étape du « qu’est ce qu’on mange ? » , ouverture de la porte du frigo.
Deuxième « oui » , se régaler sans jamais rien jeter , et concocter un plat savoureux « à l’exploration ».
Seul hic … impossible de répondre positivement à l’injonction « S’il te plait, refais nous le plat de la semaine dernière »… Il faut simplement inventer autre chose !