Les idées sont comme les spermatozoïdes. Il faut en produire des milliers pour qu’une seule parvienne à féconder le réel. Nos cerveaux grouillent d’idées en tout genre. Rêveries, ruminations, anticipations, projets, réflexions… sans parler de la charge mentale, des mille et une choses à faire.
Hier, j’ai entrepris de ranger mon bureau. Face aux piles de livres, de magazines, de dossiers, notes, brouillons, post-it qui encombrent mon espace de travail, j’ai pris conscience de ceci : toutes ces « choses en cours » mises en attente, sont un bon reflet de l’ampleur des projets avortés qui se succèdent dans nos vies. À proximité de mon lit, non loin de la fenêtre, il y a aussi deux haltères posés au sol, en prévision de séances de musculation (c’est promis : je commence demain !).
Les projets ébauchés et laissés en plan forment une part notable de nos vies.
Ne croyez pas que les créateurs, les vrais, ceux qui semblent savoir où ils vont, qui poursuivent leur plan de vie avec méthode (on en connaît tous), soient différents des gens ordinaires. Eux aussi ont dans leur cerveau mille autres idées qui grouillent en secret, eux aussi ont des projets en sommeil, des rêves inaboutis. Eux aussi ont dans leurs caves et leurs greniers des restes de rêves inaccomplis.
Après tout, c’est peut-être le lot à payer pour que quelques-unes de nos envies parviennent à terme.
Nos projets personnels suivent la même dynamique que les inventions techniques, la marche de la science, les œuvres artistiques ou les romans : les idées de départ pullulent mais très peu atteignent leur objectif.
Il serait peut-être raisonnable d’entreprendre moins de choses pour le repos de l’esprit et pour se consacrer avec plus de constance à certains de nos projets qui nous tiennent le plus à cœur.
Mais je me dis aussi que cette débauche d’idées, de projets, la dispersion de nos engagements est peut-être consubstantielle à la vie. Tout comme il faut une myriade de spermatozoïdes pour qu’ait lieu une seule fécondation, la débauche d’énergie et de projets avortés fait peut-être partie de la vie. Thomas Edison disait qu’il fallait cent inventions ratées pour qu’une fonctionne. Les tiroirs des écrivains connus ou inconnus sont encombrés de textes avortés. Il en va peut-être ainsi de toutes les idées et projets qui nous passent en tête. C’est coûteux, mais c’est bien ainsi : songez une seconde à ce que serait la vie sur terre si tous les spermatozoïdes parvenaient à leur but et si toutes les ovules étaient fécondés !
Bonjour,
Ces idées fugitives – si elles sont notées – peuvent nourrir ultérieurement des projets devenus plus structurés.
Le fait de les noter oblige à être plus précis dans leur expression.
« De la naissance d’une pensée jusqu’à sa réalisation définitive dans une formulation verbale. » Vygotski.
N’est-ce pas l’intérêt de tenir un journal de recherche ?