Si l’on en croit certains discours alarmistes, les écrans rendraient nos enfants idiots, instables, agressifs, et atrophient leur imagination.Les recherches scientifiques sur le sujet sont en général beaucoup plus prudentes et contrastées(1).
Les jeux vidéo de guerre peuvent avoir un effet limité sur une petite minorité d’enfants, mais en aucun cas un effet direct et massif. Hors de quoi, les heures passées face à des jeux vidéo violents auraient produit des hordes de tueurs psychopathes. Le jeu Fortnite, par exemple, consiste à tuer un maximum d’adversaires qui surgissent de partout et éviter de se faire tuer à son tour. Il est l’exemple prototypique de tous les jeux de combat. Mais est-il si différent dans son principe des petits jeux de guerre d’antan, quand on jouait aux gendarmes et aux voleurs, aux cow-boys et aux Indiens, ou à la « guerre des boutons », en référence au roman de Louis Pergaud (2) ? Tous ces jeux se résument au même schéma simple : tuer son ennemi (« Pan, t’es mort ! ») et ne pas se faire tuer. Tous les petits garçons de la Terre (et pas mal de filles) qui ont tiré sur des milliers d’ennemis imaginaires, sont finalement devenus, adultes, de paisibles citoyens et non des assassins sanguinaires.
Concernant les effets des images sur le langage, les résultats sont très mitigés : des études tendent à montrer que les écrans appauvrissent l’expression orale, d’autres qu’ils enrichissent le vocabulaire. L’impact des écrans est difficile à mesurer du fait de la diversité des types de médias, du dessin animé à contenu éducatif aux jeux vidéo au contenu culturel le plus sommaire. Janet Radesky, spécialiste reconnue de l’effet des écrans sur le langage des petits, l’a prudemment conclu, et admet : « Il y a du bon, du mauvais, et surtout… de l’inconnu(3). »
Les académies qui rassemblent des spécialistes et sont chargées de formuler des propositions sont très partagées. « Pas d’écran avant 3 ans », recommande l’Académie des sciences en France ; pas avant 2 ans selon l’Académie canadienne et 18 mois pour son homologue américaine. Toutes s’accordent cependant sur une certitude : trop d’écrans entraînent des effets négatifs sur le sommeil et la santé, car figé devant l’écran, l’enfant manque d’activité physique et a tendance au grignotage.
Finalement, on aboutit toujours à des mesures de bon sens : limiter le temps d’exposition aux écrans, contrôler les images et accompagner en discutant avec eux de ce qu’ils voient.
(1) Voir le document « Analyse des données scientifiques : effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans », Haut Conseil de la santé publique, 2020.
(2) Lire « De “la guerre des boutons” à la guerre des gangs », L’Humanologue n° 2.
(3) J. S. Radesky, J. Schumacher et B. Zuckerman, « Mobile and Interactive Media Use by Young Children : The Good, the Bad, and the Unknown », Pediatrics no 135, 2014. [/encadré]