En ce début d’année 2023, Bernard Arnault est désormais solidement installé en tête du palmarès des hommes les plus riches du monde. Sa fortune (160 milliards de dollars[1]) dépasse désormais largement celle de ses concurrents. B. Arnault a détrôné Elon Musk et l’indien Gautam Adani, qui ont connu de gros revers de fortune en 2022.
Cette fortune colossale, Bernard Arnault la doit au fait d’être l’heureux PDG et propriétaire de LVMH, le premier groupe mondial dans l’industrie du luxe. La multinationale regroupe Louis Vuitton, ainsi que des dizaines de marques dans l’industrie de la mode, des parfums et des vins et spiritueux, dont Dior, Moët & Chandon, Givenchy et bien d’autres…
Comment parvient-on à la tête d’un tel empire ? À la différence d’un Bill Gates, d’un Jeff Bezos ou d’un Elon Musk, l’industriel français n’a rien inventé. Aucune innovation, aucun produit révolutionnaire, aucune marque nouvelle ne peuvent être portés à son actif. Il n’a même pas créé d’entreprise ! LVMH n’est que le produit de rachats successifs d’entreprises, agrégées au fil des ans dans une holding aux multiples ramifications.
Les premiers rachats de B. Arnault ont eu lieu dans les années 1980. Son premier coup de maître fut de s’emparer de Boussac, une entreprise textile française en grande difficulté, avec un apport personnel de seulement quarante millions de francs. Pour réaliser une telle opération, il fallait de solides appuis. D’abord, le soutien d’un banquier, en l’occurrence Antoine Bernheim, à la tête de la banque Lazard, qui a accepté d’avancer l’argent. Ensuite, le soutien de l’État qui espérait sauver des emplois. Ce dispositif de rachat est un petit miracle capitaliste qui permet, grâce à un effet de levier, de s’enrichir à partir de presque rien. Le procédé consiste à emprunter de l’argent, racheter l’entreprise, la restructurer (en supprimant des emplois ou en délocalisant) et rembourser le prêt grâce aux bénéfices dégagés les années suivantes.
Cette belle opération réalisée, Bernard Arnault a continué sur la lancée en concentrant ses investissements dans un secteur très porteur : le luxe.
Le luxe ne connaît pas la crise
Si le secteur du luxe se porte si bien, c’est en raison de plusieurs phénomènes qui méritent l’attention et en disent long sur une facette de l’économie contemporaine.
D’une part, la forte demande de biens de luxe a été stimulée par l’expansion fulgurante des classes aisées en Inde, en Chine et autres anciens pays dits du tiers monde. Les classes moyennes dans ces pays se comptent en centaines de millions et l’on dénombre parmi elles plusieurs dizaines de millions de « CSP+ », des classes très aisées, friandes de produits de luxe, qui sont la pointe avancée d’une pyramide de nouveaux riches[2]. De ceux qui ont les moyens de faire leurs emplettes, le temps d’un week-end, à Paris, Tokyo, Shanghai ou New Delhi en achetant un sac Louis Vuitton à 2 000 euros ou en dégustant à table de bons crus à 200 euros la bouteille.
On pourrait soutenir ce paradoxe : Bernard Arnault est devenu multimilliardaire en captant à son profit une partie des revenus de ces nouveaux riches dont le nombre a explosé à l’échelle de la planète. Début 2022, on décomptait plus de 60 millions de personnes millionnaires dans le monde, dont cinq millions de plus que l’année précédente. Ce nombre a augmenté de plus de 60 % depuis 2017. Et il va continuer à augmenter dans les années à venir[3].
Mais d’où vient ce goût immodéré de ces nouveaux consommateurs pour le luxe et le « bling bling » ? La question mérite une réflexion à part. En tout cas, elle est un des ingrédients du succès de Bernard Arnault. Sa fortune tient finalement moins à l’exploitation de ses salariés qu’à l’appétence d’une clientèle de plus en plus nombreuse pour des produits haut de gamme.
Les prix des produits de luxe ne répondent pas aux lois classiques de l’offre et de la demande. Selon « l’effet Veblen » – du nom de l’économiste américain Thorstein Veblen (1857-1929) –, quand un client entre dans magasin de luxe pour s’acheter une montre ou un bijou, il ne recherche pas le « meilleur rapport qualité prix » en comparant avec d’autres produits : il achète une marque. Et en matière de consommation ostentatoire, le prix élevé fait partie de la valeur symbolique du produit. Mieux : le prix élevé ne fait pas fuir les consommateurs, il l’attire !
Et voilà comment Bernard Arnaud augmente chaque jour sa colossale fortune. En 2022, le chiffre d’affaires de LVMH s’est élevé à 80 milliards de dollars et les profits à 21 milliards, en progression de 23 % par rapport à l’année précédente.
Pour prolonger la réflexion :
– « D’où vient le profit ? », L’Humanologue n° 1.
– « Dernières nouvelles du capitalisme », Sciences Humaines n° 299, 2017.
– « La nouvelle richesse du monde », Sciences Humaines n° 300, 2018.
– « À quoi sert d’être riche ? », Sciences Humaines n° 191, 2008
1) 213 milliards de dollars selon le classement Forbes et 160 selon Bloomberg.
2) Julien Damon, « Un monde de classes moyennes », Institut Montaigne, juillet 2019 (en ligne).
3) Selon un rapport du Global Wealth Report (édition 2022, en ligne).
Bonjour,
Quand le doigt montre la lune, aller je vais dire, « l’ignorant » regarde le doigt.
L’affaire du milliardaire n’est pas une affaire technique à l’intérieur d’un système fait pour elle, par elle. Elle est une affaire de cohérence sociale indispensable (contrairement à la doctrine qu’il se plait à croire) nécessaire à la paix et ainsi à un fonctionnement harmonieux d’une société.
Lorsque la loi de protection du système mercantile s’éteindra par la colère du plus grand nombre, que fera le milliardaire ? Il lui faudra s’enfuir au plus vite et vers où ? La terre est sphérique, la relation artificiellement mondialisée est mercantile et dénuée de lien social. L’humain est toujours « sous instincts », le modèle sans lien, le modèle du rapport de force est donc d’ores et déjà condamné. Au lieu de fomenter la guerre, il ferait mieux d’installer la paix tant qu’il le peut.
7 milliards d’humains contre quelques milliardaires, ces derniers n’ont aucune chance de survivre. Et les 7 milliards non plus. Est-ce que la vraie intelligence n’est pas, une réelle collaboration entre les deux ?
Le pouvoir tue la pensée ; le milliardaire ne pense donc pas à autre chose que d’acquérir un milliard de plus, et surtout …de le montrer. L’insolent, l’arrogant, l’imbécile !
Les 7 milliards gorgés de colères ne pensent pas non plus, ou seulement à piquer la tête du milliardaire. Un programme court sans meilleur lendemain.
Les milliardaires moins nombreux sont théoriquement plus à même d’instiller un changement ; Imaginez, en UNE des insipides journaux télévisés » les milliardaires de la planète ont décidés et déjà engagés leurs fortunes à la réduction de la souffrance humaine: suffisances alimentaire et autres…conditions de vie en paix, EDUCATION…
Pour tout ceux qui ne pensent qu’ à laisser des traces, faire cela serait terriblement innovant, ça aurait de l’allure et je suis sur que leurs statues joncheraient la « place de la Concorde », les « Champs Elysées », la « place de l’étoile » et ne seraient jamais déboulonnées.
L’humanité n’a connu jusque là que la dualité « tyran/esclave », c’est vu, revu, une lassante reproduction des imbéciles d’antan, alors quoi, quelle chance pour cet innovant, enfin un vrai chalenge, du jamais fait, enfin montrer ce que l’on sait réellement faire, sortir ses tripes, son talent…
A bon entendeur, je reste à votre disposition, je suis prêt.
J’avais oublié de signaler quelque chose à Monsieur ou Madame Boutroue.
1350 euros mensuels ce n’est pas un salaire d’esclave hélas mais le revenu espéré par des millions de travailleurs Français et inenvisageable pour des millions de retraités, sans compter les centaines de milliers de jeunes chômeurs qui doivent se contenter du RSA…
Rien n’est simple, effectivement.
On aime bien ces temps-ci stigmatiser l’indécente fortune des gros milliardaires.
Mais de quoi parle-t-on exactement ?
L’essentiel de cette fortune est constitué d’actions qui montent et qui descendent, comme on sait.
Boursorama indique qu’en 3 ans, l’action a presque quadruplé. D’où le chiffre indécent.
Parce qu’avant Arnaud n’était qu’un milliardaire parmi d’autres…
Et si l’Europe se décide à faire vraiment la guerre aux Russes, le luxe perdra un peu de son brillant et Arnaud redeviendra le gros bourgeois standard qu’il était au début.
Peut-être tentera-t-il de revendre ses actions.
Encore faudrait-il qu’il trouve un acheteur et, en temps de guerre, la Bourse, si elle n’est pas fermée, préfère l’armement aux bijoux.
J’ai fait un petit calcul, à la louche, de ce qu’une nationalisation permettrait récupérer en vendant les affaires personnelles de Monsieur Arnaud Bernard. En temps de paix, bien sûr.
J’arrive à neuf petits milliards.
Soit, redistribué entre tous les Français, 135 euros, le tarif d’une contredanse.
La fête ?
Si l’on trouve un acheteur pour LVMH, américain ou chinois ou peut-être japonais, primo ce ne sera pas au cours actuel, deuxio il risque de délocaliser…
Rien n’est simple.
Bernard ARNAULT est-il un exemple à suivre:
Combien d’emplois créés en France?
Quel salaire moyen pour ses employés?
Quelles réalisations en faveur d’un monde plus respectueux de l’environnement?
Les réseaux facilitateurs et protecteurs, les intrigues, les corruptions…la réflexion fouillée est « sur qui puis-je compter et pour quel prix ».
Connaissant le monde et les us de ceux qui le gouvernent, investir dans le luxe est bien sur le Jackpot. Bien vu.
Pour les autres, un peu d’humanité distribuée ne ferait que la complétude du bonhomme qui une fois arrivé au plus de l’accumulation, ne peut qu’aller vers l’expansion ou s’oxyder
Ce qui me dérange ce n’est pas qu’il soit milliardaire. Ce qui me dérange c’est de s’entendre dire que la concurrence entre les salariés existe, qu’en son nom des travailleurs vivent avec 1350€, soit 45€ par jour, et qu’en plus parce que nous vivons plus vieux, on nous demande de travailler plus longtemps. Nous sommes devenus les esclaves des temps modernes
C’est pas mal. Toutefois, pour y arriver, il faut être visionnaire, avoir une très bonne culture, connaître tant ce qui se fait de mieux en technologie, mais aussi des gens de tout horizon.
il faut etre opportuniste et intelligent
Toujours cette réflexion fouillée et visionnaire que nous attendons toujours avec impatience. Merci