La démocratie athénienne n’impliquait que les citoyens, soit moins d’un dixième de la population totale. Pas les autres : ni les femmes, ni les étrangers (métèques), ni les esclaves.Mais même parmi les citoyens, il y avait de grandes disparités. En haut de l’échelle, l’élite aristocratique ne représentait qu’une petite fraction (pas plus d’un millier de personnes) parmi les 30 000 citoyens d’Athènes (au temps de Périclès). Qui étaient ces autres citoyens de seconde zone ?
Une série en quatre parties : Etre athénien au temps du miracle grec – : 1. Les aristocrates – 2. les citoyens ordinaires – 3. Les femmes – 4. Les esclaves
Quatre classes censitaires, mises en place par Clisthène (le fondateur de la démocratie athénienne), nous donnent une idée des différentes catégories de citoyens.
Au sommet trônaient les riches aristocrates : ils devaient posséder plus de 500 médimnes (une mesure équivalente à une cinquantaine de litres) qui leur permettaient d’accéder aux fonctions les plus prisées comme celle d’archonte (les dirigeants de la ville).
Puis venaient les cavaliers, assez riches pour posséder des chevaux. Avoir un cheval faisait de vous un membre de la « cavalerie » dans l’armée, soit un statut prestigieux.
Ensuite se trouvaient les citoyens, ni riches ni pauvres, qui possédaient un ou plusieurs attelages de bœufs. Enfin, la majorité des citoyens ordinaires, les « thètes », étaient petits paysans qui ne cultivaient qu’un lopin de terre, des petits artisans, ouvriers (charpentier, maçon, tailleur de pierre, potier, cordonnier, barbier, etc.), boutiquiers et aubergistes. Seul leur statut de citoyen les distinguait des esclaves : ils étaient des hommes libres et n’appartenaient donc pas à un maître. Ils pouvaient participer aux assemblées (même si la plupart du temps, ils restaient à l’atelier ou aux champs pour travailler).
Une communauté politique, guerrière, religieuse et sportive
Ce qui distinguait vraiment le citoyen du métèque ou de l’esclave, n’était pas le fait de travailler, mais deux choses essentielles : la politique et l’armée.
Le citoyen pouvait d’abord participer aux votes des assemblées et assumer périodiquement une des nombreuses fonctions civiques de magistrat. Être citoyen, c’est également être un guerrier : « l’assemblée des soldats et celle des citoyens se confondent », écrit Jean-Nicolas Corvisier(1).
La cité grecque est une cité guerrière. Défendre sa cité, participer aux expéditions militaires (sources de butin), c’est une prérogative du citoyen, tout comme celle de participer à la vie publique – et à ce titre voter les lois, participer aux procès, utiliser l’argent public. Les citoyens formaient une sorte de communauté soudée autour de ces deux institutions majeures : la politique et la guerre. Le citoyen-soldat était aguerri au combat durant un service militaire de deux ans (l’éphébie) au terme duquel il obtenait le statut de citoyen.
Deux autres institutions étaient associées à la vie du citoyen : la religion et les jeux. En effet, la religion grecque est une « religion civique », dans le sens où elle célèbre les dieux de la cité. Le culte des dieux n’est pas fondé sur une croyance (il n’est pas demandé aux citoyens de croire à l’existence des dieux ou de leur adresser des prières), mais sur la participation aux cérémonies civico-religieuses. Chez les Grecs, une cérémonie religieuse correspond à ce qui est chez nous une fête nationale ou la commémoration d’un armistice. On y célèbre la nation, ses héros, ses ancêtres, et un citoyen peut avoir l’honneur de présider une telle célébration « religieuse ».
Autre institution majeure : les jeux du stade. Ils rassemblaient régulièrement les cités et si les Jeux olympiques se déroulaient à Olympe, d’autres avaient lieu à Delphes ou Athènes. Ils étaient l’occasion d’affronter les autres cités, de glorifier ses propres héros et ses divinités.
Voilà pourquoi les gymnases étaient aussi des lieux de sociabilité essentiels. L’entraînement sportif était à la fois une préparation à la guerre et aux jeux. D’ailleurs, les épreuves des jeux, du lancer de javelot aux courses de chars en passant par la lutte corps à corps étaient également des formes de combat.
La vie quotidienne des citoyens se déroulait donc entre la maison, le travail, la participation à l’administration de la cité et les expéditions militaires (les plus âgés restant en réserve).
On comprend alors que la fin de l’autonomie des cités (après la conquête de la Grèce par Alexandre, puis l’instauration d’une monarchie) ait signifié la fin d’une forme de sociabilité organique qui liait entre eux des citoyens. Ils formaient une communauté politique, militaire, religieuse et sportive ; ils devinrent de simples habitants des villes. •
(1) Jean-Nicolas Corvisier, Guerre et société dans les mondes grecs, Armand Colin, 1998.
Les gars du bâtiment
Le chantier de l’Acropole donne une bonne indication du monde des travailleurs du bâtiment. La construction de l’Érechthéion, un des sanctuaires du site, a mobilisé une centaine de personnes, dont :
2 architectes et un secrétaire/comptable (tous trois citoyens).
44 maçons (la moitié sont citoyens ou métèques, l’autre moitié sont esclaves).
Les 16 sculpteurs sont essentiellement des métèques et leurs qualifications les faisaient se déplacer d’une cité à l’autre.
Les 19 charpentiers se répartissent assez bien en un tiers de citoyens, un tiers de métèques et un tiers d’esclaves (1).
(1) Anne-Marie Buttin, La Grèce classique, Les Belles Lettres, 2000.
L’Humanologue | #8 | Janvier 2023 |