L’étude des massacres de masse a permis aux historiens de réfuter deux idées contraires : celle d’un déchaînement spontané de violences par des foules sanguinaires et celle d’exécutants serviles qui se contentent d’obéir aux ordres.
Rwanda, 1994. Du 6 avril au 17 juillet, plus de 800 000 Tutsi 1 furent tués dans le cadre d’une chasse à l’homme organisée par des milliers de Hutu. Les victimes étaient des hommes, des femmes et des enfants, tous désarmés. Les tueurs n’étaient pas des soldats, ils ne portaient pas d’uniforme et leurs armes mêlaient fusils, gourdins, haches et machettes. Les victimes n’étaient pas enfermées dans des camps, dirigées vers des chambres à gaz ou mitraillées de loin, ce qui favorise la déresponsabilisation et rend plus facile le passage à l’acte2. Elles ont été tuées au corps à corps, souvent à l’arme blanche, les yeux dans les yeux. Ces gens n’étaient pas des anonymes ou des marginaux : tueurs et victimes étaient voisins 3 ; ils fréquentaient les mêmes lieux, les mêmes écoles, les mêmes églises… Parmi les génocidaires, comme parmi les victimes, on comptait aussi bien des paysans, des artisans, des employés, que des enseignants et des étudiants.
Alors pourquoi des centaines de milliers de Hutu ont-ils pris les armes pour se livrer à une telle tuerie ? 4 Parce qu’ils avaient peur et se sentaient menacés. Ils craignaient que leurs voisins tutsi ne viennent rejoindre les rangs de l’armée du FPR (le Front patriotique rwandais), des groupes armés tutsi repliés aux frontières du Rwanda, qui venaient de déclencher une opération miliaire pour envahir le pays et reprendre le pouvoir. Le président venait d’être tué dans un attentat, ils avaient peur que les Tutsi s’en prennent à eux, à leurs familles et à leurs biens. C’est en tout cas ce qu’ils entendaient sur les ondes de Radio Mille Collines, qui encourageait les gens à prendre les armes et régler le problème tutsi une fois pour toutes. C’était un sale travail, mais il fallait le faire. C’était eux ou nous…
Rappel du contexte politique
L’histoire du Rwanda est marquée par la longue cohabitation entre Tutsi et Hutu. Les premiers, traditionnellement éleveurs de bétail, constituaient aussi la caste dominante et bien que ne représentant que 15 % de la population, ils en formaient l’élite, à la tête du pays durant des siècles, et occupant les plus hauts postes dans l’armée et l’administration. Les Hutu, 80 % de la population, surtout paysans, avaient donc subi la domination tutsi. Les anthropologues récusent les termes « d’ethnie » pour distinguer Tutsi et Hutu au motif qu’ils parlent la même langue et pratiquent la même religion. Pour eux, le clivage relevait plutôt d’une opposition de classes sociales. Quoi qu’il en soit, les deux groupes entretenaient traditionnellement des rapports qui n’étaient ni harmonieux ni systématiquement hostiles : il y avait des mariages mixtes, des fraternités de voisinage aussi bien que des tensions récurrentes. Au début des années 1960, l’équilibre entre communautés a été bouleversé. La monarchie tutsi est alors emportée dans le mouvement général de décolonisation qui touche les pays africains. Les premières élections démocratiques, en 1961, font accéder au pouvoir un président hutu. L’élite tutsi est chassée du pouvoir et de l’administration. Certains prennent alors le chemin de l’exil et se réfugient dans les pays voisins (dont le Burundi) d’où ils vont organiser la résistance et préparer leur retour. Parmi eux, certains groupes armés font des incursions dans leur pays d’origine. Ils se désignaient eux-mêmes comme les « inyenzi », les « cancrelats ». En 1963, une attaque tutsi lancée depuis le Burundi touche une région du sud du Rwanda. Pour se protéger, le gouvernement a constitué des « comités civils d’autodéfense » qui passent aussitôt à l’action : entre 5 000 et 8 000 civils tutsi sont tués. Cet épisode préfigure ce que sera – à grande échelle – le génocide de 1994.
Tout au long des années 1970 et 1980, les tensions persistent entre les deux communautés : avec des épisodes de réconciliation, des tentatives d’accords pour le retour des exilés tutsi. Chaque camp compte son lot de modérés et de radicaux, et la situation devient alarmante au début des années 1990 5. Le président hutu Juvénal Habyarimana, arrivé au pouvoir en 1973 à la faveur un coup d’État, a instauré depuis un régime autoritaire. Les pressions internationales (dont celle de la France) exigent alors une démocratisation, mais les tentatives pour partager le pouvoir et permettre le retour des exilés tutsi échouent. Hors des frontières du Rwanda, le FPR dirigé par Paul Kagamé monte une opération armée pour reprendre le pouvoir. En avril 1994, le président Habyarimana et son homologue du Burundi sont tués dans une attaque au missile contre leur avion au-dessus de Kigali.
La nuit même, le gouvernement se réunit avec des militaires, dont le colonel Théoneste Bagosora qui prend la direction des opérations. Face à la menace extérieure qui se précise, une opération d’élimination est décidée pour décapiter l’élite tutsi. Circonscrite à quelques centaines de hauts responsables tutsi (ainsi que certains de leurs alliés modérés hutu) dans un premier temps, la machine criminelle va s’emballer… Le lendemain matin, le génocide s’étend à tout le pays.
Extension du domaine des massacres
Les génocides et massacres de masse ressemblent à des cauchemars et à des films d’horreur. Sauf que ces histoires sont réelles. Elles sont de notre époque et se passent parfois près de chez nous. Le premier génocide du 20e siècle a eu lieu en 1904 en Namibie : l’armée allemande y a pratiquement exterminé le peuple Herero. Exactement un siècle plus tard, en 2004 a lieu un génocide au Darfour. Entre-temps, il y a eu celui des Arméniens, la Shoah, l’horreur au Cambodge sous Pol Pot, et une guerre civile en ex-Yougoslavie. L’élimination des « Koulak » en Russie et la famine provoquée en Ukraine en 1932 et 1933 doivent-elles être considérées comme des génocides ? Les historiens en débattent et utilisent désormais la notion de « massacre » (guère plus précise, mais plus consensuelle). Le sujet est devenu un domaine d’études à part entière donnant lieu à de très nombreuses recherches. Une base de données sur les massacres a même été créée au début des années 2000 à l’initiative du politologue français Jacques Sémelin 6.
Les massacres et violences de masse contre les civils remontent loin dans le passé. Les archéologues en ont repéré les premières traces dès la préhistoire 7. Durant l’Antiquité, les exterminations de masse étaient légion. L’histoire avait longtemps attribué aux « barbares », les pires exactions : Huns, Vandales, Vikings, Mongols et autres peuples au mode de vie fondé sur la prédation. Aujourd’hui, les historiens rééquilibrent les choses : les barbares ne furent pas que des hordes de pilleurs sans foi ni loi et inversement les nations dites « civilisées » ont commis des massacres à foison (Voir « Qui sont vraiment les barbares ? » p. 58). Les carnages ont fait partie de la prédation des empires, des guerres féodales, des guerres de religion et des conquêtes coloniales : en Afrique, en Amérique, en Asie, en Australie 8. Le copieux (et macabre) dossier sur le sujet se compose d’études de cas approfondies et des analyses comparatives. Il permet de bien cerner cette obsédante question : pourquoi ?
Les logiques des massacres
Si les données sont réunies pour bien comprendre la logique des massacres, la difficulté est de combiner les approches, articuler les chaînes de causalité et saisir les dynamiques d’ensemble. Essayons, pour y voir clair, de démêler quelques-uns des facteurs qui ont été mis en avant pour tenter d’expliquer l’inexplicable et éclairer la face la plus sombre de l’histoire humaine.
• Une violence éternelle. Examinons d’abord la thèse d’une sauvagerie humaine originelle : celle d’êtres humains toujours prompts à se jeter les uns sur les autres et à s’entretuer. Seul le garde-fou de la culture empêcherait la bête humaine de se déchaîner… On reconnaît ici la thèse de la sauvagerie originelle de la bête humaine, défendue par Sigmund Freud, Konrad Lorenz, René Girard, et les tenants de la psychologie évolutionniste sous des formes un peu différentes9. Si la violence est bien présente dans toutes les époques de l’histoire, les massacres sont (heureusement) sporadiques. De plus, la culture n’est pas forcément un rempart contre une supposée sauvagerie. Le pire génocide de l’histoire a eu lieu dans un pays civilisé et des intellectuels – amoureux de poésie et musique classique – y ont pris une part active10.
• Les haines ancestrales. Une thèse voisine voudrait que les massacres soient le produit de conflits et haines entre communautés (ethnies) qui ne partagent pas la même culture ni le même genre de vie et combattent pour occuper le même espace vital. Cette thèse (eux et nous) ne résiste pas non plus à l’examen.
Hutu et Tutsi ont cohabité pendant des siècles avant le génocide : une cohabitation qui n’était ni idyllique ni systématiquement belliqueuse. Le massacre de la Saint-Barthélemy s’est fait entre gens d’une même religion. Les Indiens d’Amérique et les colons ont cohabité, noué des liens, fait du commerce, avant que la situation ne dégénère. Les massacres de masse ne se déclenchent pas spontanément entre populations différentes qui cohabitent sur un même territoire, mais se produisent toujours dans un contexte de guerre : les deux guerres mondiales pour les génocides arménien et juif ; la guerre civile (Saint-Barthélemy, Rwanda) ; la conquête coloniale (massacre des Hereros, massacre des Indiens à Sand Creek ou Wounded tree) ou la révolution (les massacres des Vendéens ou ceux de septembre de 1792, durant la Révolution française).
• La banalité du mal ? Hannah Arendt a expliqué le génocide nazi par une logique bureaucratique et totalitaire propre aux sociétés modernes. La division du travail entre dirigeants et exécutants conduirait à une déresponsabilisation des bourreaux, et un nazi comme Eichmann n’aurait agi qu’en fonctionnaire d’un système barbare, commettant son sale travail en se soumettant passivement aux ordres. Cette thèse dite de « la banalité du mal » a cependant été contredite par les études ultérieures sur Eichmann ou les bataillons de la mort nazis11.
Les exécuteurs ne furent pas de simples exécutants (comme le sont les personnels des abattoirs), beaucoup étaient volontaires et ont agi avec zèle, convaincus de la justesse de leur « mission ». Au Rwanda, des centaines de milliers de personnes ont dénoncé, accompagné et participé aux tueries. Dans tous les cas de massacres connus, les tueurs sont allés bien au-delà des consignes criminelles (Saint-Barthélemy, Rwanda, Vendée) qu’ils ont reçues des organisateurs. Car dans tous les cas, il y a bien eu des organisateurs.
• Les organisateurs. De la Shoah au Rwanda, un fait s’impose : les tueries ne sont pas des actes spontanés de la foule. Des ordres sont donnés, des consignes circulent et proviennent souvent des plus hautes sphères des États. Les historiens débattent pour savoir si les massacres ont été planifiés de longue date (et s’inscrivent donc dans le cadre d’une idéologie exterminatrice) ou si les décisions ont été prises sous la pression des événements (pour éliminer une menace immédiate). Ils s’interrogent également sur le rôle respectif des ordres venus d’en haut et les initiatives locales des tueurs12. Si pour la Shoah, tout semble avoir été planifié par l’état-major nazi, au Rwanda, il est clair que les initiatives locales ont énormément compté. Les dirigeants locaux et les médias (surtout Radio Mille Collines) ont pesé dans l’organisation pratique du génocide. Enfin, les tueurs eux-mêmes ont pris leurs responsabilités : c’est une chose d’écouter une consigne donnée par un maire ou une voix à la radio, mais c’en est une autre de prendre son fusil ou sa machette et de se livrer à une chasse à l’homme. Ce qui pose la question des motivations des exécuteurs de base.
Pour l’historien Daniel Goldhagen,13 l’histoire des massacres au 20e siècle montre clairement que les exécuteurs, ceux qui portent les armes et tuent, ne sont pas de simples exécutants qui se contentent d’appliquer des ordres : ils portent une responsabilité spécifique. Dans tous les cas, on trouve trop de gens impliqués, trop de zèle, trop d’actes de barbarie pour penser que les tueurs agissent sous contrainte. Les tueries sont le fait d’êtres humains pleinement volontaires et conscients de leurs actes. Dans son premier livre, Les Bourreaux volontaires de Hitler : les Allemands ordinaires et l’Holocauste (1996), il avait voulu montrer que les « bataillons de l’Ordnungspolizei » 14 qui ont participé à des exécutions de masse de Juifs pendant la guerre étaient des gens volontaires, animés par un antisémitisme viscéral, très commun dans la société allemande de l’époque. Dans Pire que la guerre, il étend son analyse aux autres massacres. Il ne fait aucun doute pour lui que les tueurs du Rwanda ne faisaient pas qu’obéir à des ordres : les nombreux viols, vols, actes de torture, chasse à l’homme montrent que les tueurs ont mis beaucoup de détermination dans leur volonté d’éliminer les Tutsi. J. Goldhagen récuse les explications des motivations des tueurs par la servilité, l’effet de groupe ou encore les mobiles financiers (le pillage des biens des Tutsi). Selon lui, la motivation des tueurs fut avant tout idéologique. Une idéologie haineuse, ancrée dans la population, les villages et parfois au sein des familles, pourrait donc, à la faveur de circonstances particulières, se traduire par un déchaînement de violence. Les circonstances ont incontestablement joué un grand rôle. Car une chose est d’avoir de la rancœur et de la haine à l’égard de ses voisins, une autre est de saisir une arme et s’en aller les massacrer.
• La menace imminente. Quand on examine la plupart des massacres de l’histoire, on s’aperçoit que leurs déclenchements interviennent dans un contexte précis, souvent le sentiment d’une menace imminente qui pèserait sur une communauté. Durant la Saint-Barthélemy (voir encadré), les tueurs étaient persuadés que les protestants voulaient s’emparer du pouvoir. Lors des massacres de septembre 1792, les tueurs exécutaient dans les prisons des gens supposés être de connivence avec les armées contre-révolutionnaires aux portes de Paris. Le même scénario de la menace imminente se retrouve dans d’autres cas : en Algérie dans les années 1990, en Bosnie en 1994 ou en Inde en 2002.
Une cascade de causalités
Quelles leçons retenir de cette tragique litanie de massacres ? Ils découlent tous d’un enchaînement de causes exceptionnelles et de facteurs imbriqués. Dans chaque cas, on retrouve des éléments communs : une impulsion venue d’en haut, un contexte de guerre (civile ou révolutionnaire), un sentiment de menace imminente qui engendre des actes « d’autodéfense », des « entrepreneurs de la haine » qui font circuler des rumeurs et attisent les ressentiments et des exécutants qui participent volontairement à un « sale travail » jugé nécessaire. Des historiens ont souligné des phénomènes complémentaires. Ainsi Stéphane Audouin-Rouzeau parle d’une « brutalisation des sociétés » en temps de guerre : une montée générale vers des extrêmes de violence qui peut faire basculer de paisibles citoyens en féroces tueurs. Jacques Sémelin, quant à lui, souligne le rôle de l’imaginaire : la diabolisation et la déshumanisation de l’ennemi considéré comme un animal nuisible qu’il faut éradiquer15.
Un regard rétrospectif sur les massacres de l’histoire montre qu’ils sont de toutes les époques et toutes les cultures (ce qui relativise les explications ethniques, religieuses, politiques ou culturelles. Ils ne sont pas l’expression d’une violence éternelle, mais des phénomènes d’exception : ce sont des circonstances extraordinaires qui poussent des gens ordinaires à violer les normes habituelles du comportement humain. •
Saint-Barthélemy, 24 août 1572
La France et l’Europe sont déchirées depuis 50 ans entre catholiques et protestants. Les guerres de religion opposent moins deux doctrines (tous sont chrétiens et partagent les mêmes croyances fondamentales) que deux attitudes par rapport à l’Église. Les protestants refusent de se soumettre à ce qui leur apparaît comme un pouvoir injustifié qui parle à tort au nom de Dieu et s’arroge de nombreux privilèges. Quitter l’Église pour vivre sa foi autrement, c’est aussi s’émanciper de la tutelle des pouvoirs en place.
Dans les rangs des protestants (huguenots), il y a autant de gens du peuple que de seigneurs et de princes. Des conflits sanglants ont déjà eu lieu et la réconciliation semble irrémédiable. Catherine de Médicis a tenté une conciliation. En mariant sa fille Marguerite de Valois (catholique) avec Henri de Navarre (prince protestant et futur Henri IV), elle espère apaiser les esprits.
Le mariage a lieu à Paris le 18 août 1572. À l’occasion, des centaines de huguenots, dont Coligny leur chef, se rendent à Paris avec leur famille. Leur présence inquiète les clans catholiques les plus radicaux, dont celui du duc de Guise.
Le 22 août, Coligny est visé par un attentat. Il est blessé, mais survit. Ensuite, les événements se précipitent. Les deux camps se sentent menacés : les huguenots pensent qu’on leur a tendu un piège, les catholiques les soupçonnent de fomenter un complot pour s’emparer du pouvoir.
Samedi 23 août. Lors de deux réunions secrètes autour de Catherine de Médicis, l’entourage du roi et les principaux chefs catholiques prennent la décision d’exécuter leurs rivaux protestants. Le dimanche à l’aube, les exécutions commencent. La maison de Coligny est investie par des hommes de main, l’amiral est tué, défenestré et découpé en morceaux. Les tueurs passent alors de maison en maison et le massacre va aller bien au-delà des ordres initiaux. Entre 3 000 à 4 000 protestants parisiens sont sauvagement tués par des commandos armés, dans le quartier du Louvre. Dans les jours qui suivent, les massacres s’étendent à d’autres villes du royaume et font environ 10 000 victimes chez les protestants. Devant cette hécatombe, Catherine de Médicis et le jeune roi interviennent pour que cesse le massacre.
Qui est responsable ?
Les historiens s’interrogent depuis des lustres sur les responsabilités. Longtemps leur attention s’est focalisée sur la responsabilité de Catherine de Médicis et l’entourage du roi. Ce sont eux qui ont déclenché des opérations et donné l’ordre des premières exécutions. Mais jusqu’où étaient-ils responsables du déchaînement de violence qui s’est ensuivi ? Des études récentes ont approfondi le sujet : les débordements de la Saint-Barthélemy ne furent pas ceux spontanés d’une populace en colère. Depuis des années, les protestants parisiens étaient l’objet de persécutions, arrestations, humiliations. Les tueurs les avaient donc dans le viseur de longue date : ils connaissaient leurs victimes et savaient où les trouver. La plupart des atrocités ont été commises par des groupes de catholiques radicalisés à leur domicile, et non dans la rue par une foule haineuse.
Sources :
• « La Saint-Barthélemy, le massacre des voisins », L’Histoire n° 496, 2022.
• Nicolas Leroux, Les Guerres de religion, Belin, 2014
1792 Les massacres de septembre
Nous sommes début septembre 1792. Le roi Louis XVI a été arrêté et jeté en prison en août. La République n’est pas encore proclamée, l’arrestation du roi a déclenché l’intervention des armées de Prusse et d’Autriche et les monarchies craignent que la Révolution ne s’étende à toute l’Europe. En quelques jours, les armées étrangères sont à Verdun. À Paris, les députés se réunissent en assemblée ; un « comité exécutif », sorte de gouvernement provisoire, a été nommé. Danton y siège.
Mais le pouvoir est aussi dans la rue. Dans ces journées d’effervescence, on sent que tout peut arriver : de la réaction contre-révolutionnaire à une révolution radicale.
Court alors le bruit qu’un complot est en train de se tramer dans les prisons où les aristocrates et prêtres ont été enfermés en masse. La rumeur dit que ces prisonniers sont en train de préparer le retour du roi, en lien avec les armées étrangères, et vont se venger.
Face à cette menace imminente, quelques dizaines de sans-culottes, armés de couteaux, de sabres et de piques se dirigent vers toutes les prisons de Paris. Le carnage va durer cinq jours, du 2 au 6 septembre. Parmi les victimes, des aristocrates (dont la princesse de Lamballe), des prêtres, mais aussi des prisonniers de droits communs et des prostituées… En tout 1 300 personnes sont tuées et certaines décapitées. Leurs têtes sont promenées dans les rues au sommet de piques.
- Les mots « tutsi » et « hutu » sont, au choix, invariables ou s’accordent en genre et en nombre. Nous avons suivi l’usage de nombreux spécialistes de la question qui privilégient l’invariabilité. [↩]
- Jean Hatzfeld, Une saison de machettes, Seuil, 2003. [↩]
- Hélène Dumas, Le Génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, Seuil, 2014. [↩]
- On estime à 800 000 le nombre de Rwandais ayant participé au génocide, soit comme tueurs ou comme accompagnateurs, soit parce qu’ils ont dénoncé des victimes ou pillé leurs biens. Florent Piton, « Tueurs, ibitero et notabilités génocidaires au Rwanda (Kigali, avril 1994) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2018/2. Article en ligne. [↩]
- Filip Reyntjens, Le Génocide des Tutsis au Rwanda, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2017. [↩]
- La première encyclopédie en ligne sur les violences de masse regroupe les publications de chercheurs spécialistes des conflits qu’a connus le 20e siècle (www.massviolence.org). [↩]
- Lire « Les deux naissances de la guerre », L’Humanologue n° 7. [↩]
- Voir Marc Levene et Penny Roberts (dir.), The Massacre in History, Berghan Books, 1999, et Marc Ferro (dir.) Le Livre noir du colonialisme, Robert Laffont, 2003. [↩]
- Lire « Les raisons de la colère », L’Humanologue n° 1. [↩]
- Voir les travaux de Christian Ingrao, Croire et détruire : les intellectuels dans la machine de guerre SS, Fayard, 2010 ou Johann Chapoutot, La Révolution culturelle nazie, Gallimard, 2017. [↩]
- Lire « La banalité du mal. Comment on devient un bourreau ordinaire », L’Humanologue n° 2. [↩]
- Un autre débat porte sur le fait de savoir si les États génocidaires sont des États forts et totalitaires, ou au contraire en construction, voire en péril. Sur le sujet : Bernard Bruneteau, Un siècle de génocides 1904-2004 , Armand Colin, 2016 ou Xavier Crettiez et Nathalie Duclos, Violence politiques, Armand Colin, 2021. [↩]
- Sous le nazisme, les « bataillons de l’ordre » étaient des unités de police sous la direction des SS. Les Bourreaux volontaires de Hitler est une réplique au livre de Christopher Browning Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne (1992), qui faisait des membres de ces bataillons des « hommes ordinaires », de simples exécutants dont la responsabilité était limitée. [↩]
- Jacques Sémelin, Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides, Seuil, 2005. Voir aussi « Les fondements imaginaires du massacre. Entretien avec Jacques Sémelin », Sciences Humaines, n° 263, 2014. [↩]
Eh bien ? Mon commentaire d’hier soir était-il donc diffamatoire ou contraire à la vérité, ou encore rédigé dans des termes vulgaires ou insultants ?
Non, il n’y a rien de diffamatoire ou de non pertinent dans vos propos. Je suis simplement lent à la réponse et pas toujours derrière mon ordinateur. Vous avez bien sur raison sur le fait que les massacres en temps de guerre sont courants. L’histoire en est même si longue… Des massacres des armées Assyriennes sont bien documentées (et même mise fièrement en avant dans le cadre d’une politique de terreur). L’armée romaine a aussi des massacres de masses : l’extermination de Carthage, la guerre des gaules (1 millions de morts),sans parler Genghis Khan, Tamerlan, les guerres de trente ans e et bien d’autres. La liste est sans fin… Le but de cet article s’inscrit dans le cadre de guerre civile parce ces massacres là sont (malheureusement) plus difficile à comprendre.
Un questionnement intéressant, sur un sujet sinistre et malheureusement très actuel, même s’il est de tous les temps.
Il me semble pourtant que ce questionnement exclut a priori (par une définition implicite du massacre) les faits proprement militaires, ceux dont les victimes n’étaient pas principalement civiles. Pourquoi ? N’y a-t-il donc pas eu de massacre à Verdun ?
Autre a priori (dans le « chapeau » de l’article tel qu’il apparaît dans le journal), un a priori partial qui rend complètement inexplicables les crimes de guerre et actes terroristes commis par des mouvements de résistance palestiniens : l’idée que « tout a commencé […] le 7 octobre 2023 ». C’est faux. Tout a commencé des décennies auparavant par une occupation coloniale avec son cortège de massacres, de pillages, et un État d’apartheid.